Les coûts de construction du Centre hospitalier de l'Université de Montréal (CHUM) ont encore une fois été revus à la hausse, hier. Ils passent de 1,2 à 2,089 milliards. La superficie du bâtiment sera augmentée, ce qui allonge de neuf mois l'échéancier de construction. Les travaux ne seront donc terminés qu'en 2019, mais les premiers patients seront accueillis dès 2015.

Le gouvernement a accepté d'augmenter de 30 000m2 la superficie du futur hôpital, ce qui entraîne une hausse des coûts de 323 millions. On ajoutera notamment un centre d'ophtalmologie de 1600m2. Le gouvernement s'est aussi plié à une demande du vérificateur général du Québec qui, dans son dernier rapport, a recommandé un taux d'actualisation de 6,5% plutôt que de 8% comme l'avait fait Québec. Ce changement de taux entraîne à lui seul une hausse du budget de 472 millions. «Je tiens à préciser que ce n'est pas une hausse réelle, car il n'y a pas d'impact sur le coût total. C'est un changement de "comptabilité" seulement. La seule hausse réelle est de 323 millions», a déclaré la présidente du Conseil du Trésor, Michelle Courchesne.

Fellow associé au centre de recherche CIRANO, Jean-Pierre Aubry n'est pas d'accord avec l'analyse de Mme Courchesne: «Le flux de dépenses restera le même. Mais la valeur actuelle du projet est plus élevée que prévu. Dire que c'est juste des calculs, ce n'est pas correct.»

«Le vérificateur général a démontré que, en prenant un taux de 8%, le gouvernement avantageait indûment le mode PPP. Baisser le taux signifie que le projet vaut plus cher aujourd'hui», ajoute Pierre J. Hamel, chercheur à l'Institut national de la recherche scientifique (INRS).

À la défense du PPP

La ministre Courchesne a de nouveau dû défendre, hier, la décision de son gouvernement de construire le CHUM en partenariat avec l'entreprise privée (PPP). Rappelons que, au mois de juin, le vérificateur général a affirmé que les évaluations soumises au gouvernement pour retenir le PPP ne permettaient toujours pas de conclure que cette formule est plus économique.

Au début du mois de décembre, un comité d'experts indépendants mandatés par le gouvernement pour faire la lumière sur la question a finalement conclu que la construction du CHUM en PPP générerait des économies. «Vous voulez savoir de combien? Eh bien! C'est 302 millions», a déclaré Mme Courchesne.

«Ce gain, c'est des miettes par rapport à la facture totale. On a dépensé plus que ça en procédures depuis le début du lancement du projet du CHUM en PPP», note M. Aubry.

M. Hamel déplore quant à lui que le rapport complet des experts indépendants ne doive être rendu public qu'à la signature du contrat de construction du CHUM, prévue pour le printemps. «Si le rapport est de béton, qu'on nous le montre!» dit-il.

La CSN va dans le même sens et remet même en question l'impartialité du comité d'experts, formé de Daniel Roth, Alain Boisset et Henri Elbaz. «Daniel Roth est membre du CA de l'Institut pour le partenariat public-privé tandis qu'Alain Boisset, qui a siégé au CA de cet organisme autour de 2004, est membre du Conseil canadien pour les partenariats public-privé», mentionne la CSN.

Le député péquiste Sylvain Simard met également en doute la neutralité des experts. Il estime que, à la veille de Noël, les Québécois se font «passer un sapin». «La décision était prise d'aller en PPP peu importe les coûts. C'est tout le Québec qui perd. Les coûts explosent, et on s'y attendait.»

Mme Courchesne a quant à elle rappelé que le futur CHUM sera l'équivalent de deux fois la Place Ville-Marie et qu'il est normal que des projets d'une telle ampleur subissent des modifications en cours de route. Elle a précisé que le Centre de recherche du CHUM (CRCHUM) et le Centre universitaire de santé McGill (CUSM) ont eux aussi vu leurs coûts augmenter en cours de route. En effet, le coût du CRCHUM est passé de 320 à 470 millions et celui du CUSM, de 1,13 à 1,343 milliard.

Les deux consortiums retenus pour la construction du CHUM (CHUM Collectif et Accès santé CHUM) ont déjà fait leurs propositions techniques, qui sont «très satisfaisantes», selon Mme Courchesne. Les propositions financières sont attendues pour janvier prochain. Le choix du consortium gagnant devrait se faire en mars et la construction pourra débuter dès le printemps.

Puisque la superficie totale du futur hôpital universitaire francophone a été augmentée, le calendrier de construction a dû être revu. La première phase du projet sera achevée au début de 2016 et l'hôpital en entier sera terminé en 2019, soit neuf mois plus tard que prévu. Mais selon le ministre de la Santé, Yves Bolduc, les premiers patients pourront être traités à l'intérieur du CHUM dès 2015.

- Avec la collaboration de Tommy Chouinard