La direction de la sécurité de l'Assemblée nationale a refusé à des représentants de la World Sikh Organization of Canada (WSO) d'entrer au parlement parce qu'ils ne voulaient pas enlever leur kirpan.

Quatre membres de cette organisation religieuse se sont présentés au parlement vers 9h30. Ces membres provenaient de Montréal, Toronto et Ottawa. Ils se rendaient à une commission parlementaire pour présenter leur position sur le projet de loi 94 portant sur les demandes d'accommodement dans l'administration publique.

Comme tous les visiteurs, ils devaient franchir un dispositif de sécurité. Avant d'être soumis au détecteur de métal, un des quatre sikhs, Balpreet Singh, a avisé le constable spécial que ses collègues et lui portaient un kirpan. On leur a demandé de laisser leurs kirpans en consigne. Les sikhs ont protesté. Un haut responsable de la sécurité est alors intervenu pour rappeler les règles en vigueur au parlement de Québec. Les sikhs ont quitté le parlement, refusant d'enlever leur kirpan.

Le chef de la sécurité de l'Assemblée nationale, Pierre Duchaine, a défendu la décision. «C'est une position qui existe depuis longtemps. Personne ne peut entrer au parlement avec une arme blanche», a-t-il dit à Cyberpresse.

«Ce qui prime, c'est la sécurité. Les questions religieuses passent en second lieu. Pensez-vous qu'un sikh peut prendre l'avion avec un kirpan?»

On avait prévenu les sikhs qu'ils ne pourraient comparaitre en commission parlementaire avec leurs kirpans. Balpreet Singh, un des quatre sikhs renvoyé de l'Assemblée nationale, affirme toutefois que son groupe avait reçu des «informations contradictoires». Il dit avoir communiqué trois fois avec des représentants de l'Assemblée dans les dernières 24 heures. «Hier matin, on nous a dit qu'on nous accommoderait. Plus tard en journée, on nous a dit que ce n'était plus certain. Puis en fin de journée, le secrétaire de la commission, Yannick Vachon, nous a appelés pour dire que finalement, on ne pourrait pas porter le kirpan.  Comme les informations nous semblaient contradictoires, nous avons décidé de nous présenter quand même», a-t-il raconté à Cyberpresse.

M. Singh, qui est conseiller juridique de la WSO, soutient que sa position est non négociable: si ses membres ne peuvent porter le kirpan, ils «ne peuvent pas» participer à la commission parlementaire. « Les sikhs doivent porter en tout temps leur kirpan. On le porte même dans notre sommeil. C'est un symbole de notre foi et de notre conviction pour la justice.»

Ironiquement, parce qu'il n'a pas reçu d'accommodement, le groupe sikh n'a pas pu présenter son mémoire sur le projet de loi 94 qui encadre les demandes accommodements.

M. Singh précise que les sikhs interdisent aux femmes de porter le voile. «C'est parce qu'on protège l'égalité des sexes», explique-t-il. Mais il s'oppose tout de même au projet de loi 94, qui interdirait le port du voile intégral dans les institutions publiques. Il estime que la loi violerait la Charte canadienne des droits et libertés «Ce n'est pas acceptable légalement, soutient l'avocat. Et je ne pense pas non plus que ce soit acceptable socialement. Je comprends qu'on demande aux femmes de montrer leur visage pour la sécurité à l'aéroport ou à l'urne pour voter. Mais cette loi va beaucoup trop loin. Elle enlève aux femmes musulmanes le droit de participer à la communauté. Il faut protéger la liberté de religion.»

La ministre ne se prononce pas

La ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles, Kathleen Weil, n'a voulu ni appuyer ni condamner la décision des services de sécurité. «Je suis neutre par rapport à ça. (...) Moi, je prends acte de leur décision. Il faut respecter l'indépendance des institutions», a-t-elle affirmé.

Elle semblait surtout craindre que cette affaire nuise à l'image du Québec auprès des minorités religieuses. «Je voudrais envoyer un message à la communauté sikh à l'effet que le Québec est une société ouverte, ouverte à la diversité», a-t-elle dit, soulignant qu'elle analysera leur mémoire sur le projet de loi 94 comme tous les autres qui ont été déposés.

Permis ailleurs

En février dernier, on avait laissé un chef religieux sikh visiter l'Assemblée nationale en possession de son kirpan. Il s'était présenté avec deux kirpans, mais les constables spéciaux lui avaient demandé de conserver seulement son plus petit. Une escorte l'avait accompagné tout au long de sa visite.

La vingtaine de sikhs qui l'accompagnaient n'avaient pas conservé leur kirpan. Ils l'avaient laissé en consigne et l'avaient récupéré à la sortie du parlement. Le groupe du temple Gurbani Sagar avait été invité par le député libéral Gerry Sklavounos.

M. Singh n'était pas au courant de ce précédent.

Il tient toutefois à rappeler que les sikhs peuvent porter leur kirpan à la Cour suprême et au Parlement canadien. «Oui, nous le permettons, car le kirpan est considéré comme un objet religieux », confirme Heather Bradley, directrice des communications au bureau de la présidence de la Chambre des communes.