Un groupe de travail sur l'information au Québec, créé par Christine St-Pierre, ministre de la Culture et des Communications, recommande au gouvernement d'adopter une loi sur le statut des journalistes professionnels.

Les entreprises de presse sont en crise, note la directrice du groupe, Dominique Payette, ancienne journaliste à Radio-Canada et actuellement professeure à l'Université Laval. Elles ont de plus en plus recours à des pigistes, des journalistes indépendants qui font leur travail dans des conditions précaires et qui sont l'objet de toutes sortes de pressions, ajoute-t-elle dans la préface du rapport, intitulé L'information au Québec: un intérêt public.

Cette situation compromet la qualité de l'information, notamment en dehors des grands centres urbains. Une aide de l'État s'impose, conclut le rapport de 132 pages, que La Presse a obtenu. Or, cette aide est étroitement liée au statut professionnel.

«Si les aides publiques sont nécessaires, il est indispensable de prévoir la mise sur pied d'un corps intermédiaire comme une association professionnelle», affirment les auteurs.

Le statut professionnel «permettrait de faire la distinction entre les journalistes professionnels, qui respectent les règles de la déontologie des entreprises de presse ou des organisations professionnelles, et les autres «journalistes» dits citoyens ou amateurs.» Les aides publiques à l'information seraient liées à la présence de journalistes professionnels.

Le rapport Payette recommande que la loi comprenne un chapitre exprès pour les journalistes professionnels indépendants, à qui elle conférerait «des conditions apparentées à celles dérivées de la loi québécoise sur le statut de l'artiste, c'est-à-dire leur permettant de négocier des conditions minimales de travail et un contrat type incluant les droits de suite ainsi que la protection contre d'éventuelles poursuites judiciaires».

Le groupe de travail suggère que l'obtention du statut de journaliste professionnel s'accompagne de divers avantages:

- Que le secret des sources soit protégé par la loi;

- Que les demandes d'accès à l'information présentées par un journaliste professionnel soient traitées de façon prioritaire par les organismes publics;

- Que la loi permette au journaliste professionnel de quitter son emploi avec pleine rémunération pour une période pouvant aller jusqu'à un an lorsque la cause de la rupture du contrat de travail «crée, pour le journaliste, une situation susceptible de porter atteinte à son honneur, à sa réputation ou à ses intérêts moraux». Un tribunal arbitral trancherait les litiges.

«L'État québécois a un rôle à jouer dans le soutien à la production et à la diffusion de l'information d'intérêt public dans le contexte actuel, ajoute le rapport. Nous estimons qu'il doit poser des gestes concrets d'appui aux journalistes et aux entreprises de presse qui acceptent de suivre les règles déontologiques adoptées par le milieu et de respecter les instances de régulation de la presse.»

Par conséquent, le groupe de travail recommande «que les entreprises de presse membres du Conseil de presse soient les seules admissibles à toutes formes de subventions accordées par l'État dans le cadre de tout programme de soutien aux médias ou à la presse». De surcroît, le groupe recommande «que la publicité gouvernementale et les annonces judiciaires soient réservées aux seules entreprises membres du Conseil de presse du Québec, sous réserve du respect du quota de 4% garanti aux médias communautaires».

Autre recommandation: «La mise en oeuvre d'un crédit d'impôt remboursable à l'embauche de journalistes professionnels dans les entreprises de presse en région».

Les citoyens de nombreuses régions n'ont toujours pas accès à l'internet à haute vitesse. Le groupe recommande que le gouvernement reconnaisse cet accès comme «un service essentiel au même titre que l'électricité et le téléphone et que des mesures soient prises en conséquence».

La question du statut professionnel divise les journalistes. Elle a été l'objet de nombreux débats à la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ). Des membres de la FPJQ qui travaillent comme pigistes y sont souvent favorables, mais d'autres membres font valoir qu'il est difficile, voire nuisible, de déterminer qui peut être journaliste. Le groupe de travail estime, lui, que «ce titre réservé (de journaliste professionnel) n'empêchera personne de collaborer à un média ou même de se dire journaliste, sans pour autant permettre à tous de se dire journaliste professionnel».

En bref, le statut de professionnel s'accompagnerait d'avantages. Les journalistes non professionnels ou les entreprises de presse qui continueraient à recourir à des non-professionnels ne pourraient en profiter. Le comité a remis son rapport à la ministre St-Pierre il y a quelque temps et doit le rendre public ce matin, au cours d'une conférence de presse.