«J'ai pas un mot à dire.» L'ex-lieutenant-gouverneur du Québec Lise Thibault se montrait peu bavarde lundi, esquissant un  sourire léger et tendu avant le début de son enquête préliminaire au Palais de justice de Québec.

Six chefs d'accusation pèsent contre elle, dont deux pour « abus de confiance » et deux autres pour falsification « à plusieurs reprises » de documents. Durant son règne de 10 ans, elle aurait facturé pour plus de 710 000$ de dépenses injustifiées.

L'enquête préliminaire doit durer deux semaines. Elle sert à examiner si la preuve justifie un procès portant sur ces six accusations criminelles. Le juge Michel Auger a accepté une ordonnance de non publication afin de ne pas contaminer un futur jury. Âgée de 71 ans, Mme Thibault est passible d'une peine allant de 5 à 14 années en prison.

L'audition a débuté lundi avec le témoignage du responsable de l'enquête de la Sûreté du Québec (SQ), Robert Anctil.

L'enquête préliminaire fait suite à de nombreuses autres enquêtes et rapports. Il y a d'abord eu en 2007 le rapport conjoint des vérificateurs généraux du Québec et du Canada, Renaud Lachance et Sheila Fraser. La GRC et la SQ ont ensuite complété une enquête en 2009.

Par la suite, la Direction des poursuites criminelles et pénales avait demandé une pré-enquête - une procédure plutôt rare - pour vérifier s'il fallait porter des accusations. Un juge de la Cour supérieure avait donné son feu vert.

De nombreuses révélations ont éclaboussé Mme Thibault. On l'accuse d'avoir refilé aux contribuables les factures de ses voyages de golf, activités de pêche, repas gastronomiques, fêtes familiales et autres activités personnelles. Elle aurait notamment chargé 4000$ pour célébrer les 40 ans de sa fille dans un chic club privé de Montréal.

Aussi, pendant que Québec lui donnait 4800$ par mois pour ses frais de logement et hébergement, elle recevait de l'argent d'Ottawa pour couvrir ces mêmes besoins.

Mme Thibault se dit non coupable. En commission parlementaire en 2008, elle assurait ne pas être une «profiteuse» et n'avoir rien fait de mal. La preuve selon elle que ses dépenses étaient justifiées: elles avaient été autorisées par Québec et Ottawa. Elle recommencerait «demain matin», lançait-elle.

L'ex-lieutenant-gouverneur disait entre autres avoir voulu servir de modèle pour les handicapés en faisant du sport. Elle posait même en victime. Mme Thibault se qualifiait de «pauvre vieille», ciblée par une campagne de salissage. Elle précisait toutefois ne pas espérer que les journalistes rôtissent en enfer. «Je prie le ciel de ne pas envoyer en enfer les gens qui viennent briser les humains», expliquait-elle.

Le procès au criminel n'est pas le seul recours juridique auquel elle fait face. Québec intente contre elle une poursuite au civil. On lui réclame 92 000$, dont 7000$ en frais pour des leçons de ski. Québec réclame aussi 21 000$ au principal responsable de sa sécurité, Guy Hamelin.

Avant d'être lieutenant-gouverneur, Mme Thibault avait été candidate du PLQ et du PLC, vice-présidente de la CSST et présidente de l'Office des handicapés du Québec.