Le parti municipal de l'ex-chef de police de Montréal Jacques Duchesneau n'a utilisé ni prête-noms ni financement occulte pour payer ses dettes, selon des documents confidentiels et des témoignages recueillis par La Presse.

Cette accusation, qu'avaient lancée d'anciens membres du parti, a amené le gouvernement Charest à demander une enquête au Directeur général des élections (DGE), en novembre dernier. Cette enquête n'est toujours pas terminée. Le DGE a indiqué à La Presse qu'aucune accusation ne sera portée puisque l'affaire est prescrite. Il doit quand même déterminer si des infractions ont été commises.

En attendant les conclusions de l'enquête, qui seront publiques, M. Duchesneau s'est retiré de ses fonctions de chef de l'unité anticollusion du ministère des Transports du Québec. Cette unité a le mandat de veiller au bon fonctionnement des chantiers de construction dans les travaux de voirie. Par conséquent, Jacques Duchesneau doit avoir un dossier irréprochable.

En novembre, trois membres du défunt Parti Nouveau Montréal - que M. Duchesneau a dirigé jusqu'à sa dissolution, en 2001 - ont affirmé à l'agence QMI qu'ils avaient servi de prête-noms. Il s'agissait de Gilles Prud'homme (organisateur conservateur), d'Arminda Mota et de Marie-Claude Montpetit.

Ces trois personnes ont affirmé qu'elles n'avaient jamais prêté d'argent au Parti Nouveau Montréal pour l'aider à effacer sa dette, contrairement à ce qui était affirmé dans les rapports financiers du parti. «M. Prud'homme a déclaré qu'il avait accepté d'agir comme prête-nom, à la demande de M. Duchesneau», indiquait l'agence QMI.

Or, des documents bancaires obtenus par La Presse démontrent le contraire. M. Prud'homme et Mmes Mota et Montpetit ont bel et bien prêté des fonds au Parti en leur propre nom. L'argent prêté provient d'un emprunt de 10 000$ que chacun a obtenu de la Banque Nationale.

Leurs noms figurent sur une liste de 14 personnes qui ont fait le même type de transaction, en 1999, pour aider le parti à régler ses dettes. Le 4 octobre 2000, la Banque a même exigé de chacune d'elles qu'elles remboursent leur emprunt, intérêts compris.

«Nous réclamons par la présente, le remboursement des sommes que vous devez à la Banque Nationale totalisant le somme de 10 021,37$. La somme devra être payée par chèque certifié dans les 10 jours à nos bureaux», disent des lettres transmises à Gilles Prud'homme et aux 13 autres électeurs.

Propos discordants

La Presse a tenté de joindre M. Prud'homme, mais sans succès. En revanche, nous avons parlé avec deux autres des électeurs. Ils ont dit être bien conscients d'avoir prêté des fonds au parti et s'être engagés à rembourser leur emprunt à la banque.

«Je n'étais pas un prête-nom. Je suis allé en personne signer les papiers (d'emprunt) à la Banque Nationale à Montréal. Je savais que ces 10 000$ iraient directement au parti. Et personne ne me les a remboursés par derrière», a dit Robert Laramée, l'un des prêteurs.

«Je n'ai jamais eu l'impression d'être un prête-nom, a déclaré Martin Dumont, qui s'est aussi présenté à la banque pour signer des documents. Un prête-nom, c'est comme si j'avais prêté 10 000$, mais que l'argent venait d'une tierce personne. Ce n'est pas du tout le cas. Jamais il n'y a eu échange d'enveloppes ou quoi que ce soit.»

L'ex-agent officiel du parti, Jean-Pierre Allaire, est sorti de son mutisme et a corroboré ces affirmations lors d'un entretien avec La Presse. «Il n'y a jamais eu de prête-noms, c'est complètement faux. Les états financiers du Parti sont corrects», assure M. Allaire, ancien président de l'Ordre des comptables agréés.

Les 140 000$ des 14 électeurs ont servi à payer les fournisseurs du parti après sa défaite aux élections municipales de novembre 1998. En payant ces fournisseurs, le parti avait droit au remboursement par le DGE de dépenses électorales totalisant 220 338$, comme le prévoit la loi.

Malgré ces entrées de fonds, les 14 électeurs devaient toujours 140 000$ à la Banque. En 2001, le clan Duchesneau a donc entrepris des négociations avec l'institution. Ces négociations portaient aussi sur d'autres dettes du Parti envers la Banque. Tout compris, cela représentait 362 173$.

Le 20 décembre 2001, l'institution a finalement accepté de fermer le dossier moyennant le versement de 80 000$, selon la convention de règlement obtenue par La Presse. Jacques Duchesneau a versé 70 000$ et Jean-Pierre Allaire, 10 000$.

«Il n'y a aucun donateur obscur qui a donné 362 000$ à Jacques Duchesneau pour payer la Banque», insiste M. Allaire.

Pourquoi tout ce brouhaha autour de M. Duchesneau? se demande Martin Dumont, un des 14 électeurs: «Est-ce qu'il faisait trop bien son travail à l'unité anticollusion dans le domaine de la construction et que des gens ont voulu fouiller dans les placards des années passées?»

Joint vendredi, M. Duchesneau a refusé de commenter le dossier.