La pétition internet de 247 379 signatures réclamant la démission de Jean Charest a été déposée ce matin à l'Assemblée nationale. Mais à en croire Pierre Moreau, nouveau ministre responsable de la Réforme des institutions démocratiques, c'est la dernière fois qu'une telle pétition sera hébergée sur le site de l'Assemblée nationale. «Ça ne se reproduira pas», a-t-il lancé. Selon lui, la pétition n'aurait «jamais dû» apparaître sur le site de l'Assemblée.

Pour être valide, une pétition doit traiter d'un sujet qui entre dans la juridiction des parlementaires, soutient-il. «Or, la juridiction de l'Assemblée nationale ne lui permet pas de destituer un membre de l'exécutif», explique-t-il.

En fait, contrairement à la Colombie-Britannique ou à la Californie, il n'existe pas de procédure de recall au Québec qui permette de destituer un élu en amassant un nombre minimal de signatures. Par exemple, en Colombie-Britannique, il faut que 40% des électeurs enregistrés signent la demande en moins de 60 jours. Cette procédure est seulement permise 18 mois après l'élection.

Au Québec, un député peut être réprimandé, mis à l'amende, suspendu sans indemnité et même destitué par l'Assemblée. Mais cette procédure doit être déclenchée par un grief d'un député.

Pour être déposée à l'Assemblée nationale, une pétition doit être parrainée par un élu. C'est Amir Khadir qui a parrainé la pétition pour le départ de M. Charest. Le citoyen derrière la pétition, Steve Brosseau, avait d'abord approché le PQ, mais le parti a refusé. Le PQ avouait éprouvait un «malaise» au sujet de la pétition. La pétition était rapidement devenue virale en novembre dernier. En moins d'une semaine, plus de 200 000 Québécois l'avaient signée. Mais cet enthousiasme s'est vite dissipé. Moins de 50 000 signatures s'y sont ajoutées dans les trois mois suivants.

Le ministre Moreau dit avoir pris connaissance de la pétition seulement après qu'elle ait été mise en ligne. Sinon, il aurait exercé des pressions pour qu'elle soit refusée. Il indique qu'il essaiera de bloquer d'éventuelles pétitions semblables. «Ça ne se reproduira pas», assure-t-il.

Mais il n'est pas certain qu'il réussisse à bloquer une telle initiative. C'est le Bureau de l'Assemblée nationale (BAN), composé de membres de tous les partis reconnus, qui établit les critères de recevabilité d'une pétition. M. Moreau soutient que le BAN appuie sa position. «On est unanimement venu à la conclusion - tous les partis, il n'y avait pas de dissension - qu'on ne pouvait pas saisir l'Assemblée nationale d'une pétition qui demande la destitution d'un élu», assurait-il en début d'après-midi.

Mais le PQ et l'ADQ l'ont contredit peu après. Malgré son «malaise», le PQ juge légitime que la pétition apparaisse sur le site de l'Assemblée. Même chose pour l'ADQ. Et les deux partis affirment qu'ils ne s'opposeraient pas à une future pétition semblable.

M. Moreau estime-t-il que le secrétariat de l'Assemblée n'a pas bien fait son travail? «Vous vérifierez», a-t-il répondu, en laissant entendre que c'était le cas.

La direction des communications de l'Assemblée nationale a refusé de répondre à nos questions.