Le gouvernement Charest se dirige vers un dépassement de 5 milliards de dollars de ses dépenses d'ici à 2014, année prévue du retour au déficit zéro, observe le vérificateur général du Québec, Renaud Lachance, dans son plus récent rapport à l'Assemblée nationale.

Remis hier, le rapport observe aussi que, depuis deux ans, les dépenses auront été de 2 milliards de dollars supérieures au plan qu'avait lancé le gouvernement en 2009.

Interrogé par La Presse, M. Lachance reconnaît en revanche que les revenus ont été supérieurs aux attentes. Résultat net: le déficit budgétaire était l'an dernier de 1 milliard inférieur aux prévisions.

«Le gouvernement prévoit toujours l'équilibre en 2014. Donc, compte tenu de la croissance des dépenses, c'est qu'il prévoit que les revenus vont augmenter aussi.»

De façon générale, le plan de retour à l'équilibre budgétaire peut tenir la route: «La période de cinq ans n'est pas terminée, c'est à la fin qu'on pourra conclure, il n'y a qu'une année de passée», observe le vérificateur, qui refuse de parler de «dérapage» des dépenses.

Ce plan de réduction des dépenses visait à en ramener la croissance à 2,7%; elle sera plutôt de 5,1%. Une série de fonds spéciaux et d'organismes non budgétaires ne sont pas comptabilisés dans le plan -plus de 18 milliards de dépenses qui ont crû de 15% depuis l'an dernier.

Au passage, M. Lachance observe que la Société des alcools base sa politique de prix sur des prévisions prudentes - elle pourrait baisser ses tarifs si elle était plus audacieuse.

Aussi, le financement de la caisse de retraite des fonctionnaires et des employés des réseaux est basé sur des calculs réalistes: «Les hypothèses actuarielles sont dans une fourchette tout à fait correcte», résume M. Lachance.

Plus de transparence

«Il est clair, a soutenu M. Lachance, qu'il devrait y avoir pour les parlementaires une reddition de comptes qui reflète l'ensemble des dépenses. On ne peut pas dire qu'elles ne sont pas présentes actuellement, mais elles sont dans plusieurs endroits.»

«Le gouvernement donne l'heure juste, mais il faut regrouper l'information, il ne présente pas le portrait de façon compréhensible.» C'est un aspect «qu'il faut améliorer», dit le vérificateur.

Ainsi, il faut gratter les tableaux des comptes publics pour voir que le gouvernement a pris des engagements non comptabilisés de 34,7 milliards de dollars en mars 2010, une hausse de 2,8 milliards, soit 8,8% par rapport à l'année précédente. En trois ans, ces factures à venir ont augmenté de 12,4 milliards.

Il prend ses distances de l'évaluation de 27 milliards de dépenses engagées passées «sous le radar» que claironnaient des manchettes hier: «Le chiffre des dépenses non budgétaires, c'est 18 milliards. Ces organismes font des transactions entre eux, ce qui fait qu'on peut compter en double le même argent.»

«Les fonds spéciaux vont venir compliquer votre vie dans la comparaison des chiffres année après année», a expliqué en point de presse le ministre des Finances, Raymond Bachand. Il ne voit pas de reproches particuliers dans le rapport du vérificateur, hormis «l'importance d'être transparent». La comptabilité est rigoureuse, insiste M. Bachand.

En point de presse, Pauline Marois a relevé que les engagements de Québec en matière de santé -la construction d'hôpitaux en PPP- allaient «avoir des impacts considérables sur nos finances publiques». Selon le vérificateur, ces milliards seront versés à la dette, mais uniquement au moment de la livraison des immeubles. Le gouvernement a ajouté 40 milliards à la dette en 8 ans de pouvoir, et le vérificateur estime 34 milliards d'engagements à venir, «du jamais vu dans l'histoire du Québec», lance Mme Marois. Les contribuables, déplore-t-elle, devront «casquer» pour ces engagements des libéraux, qui se targuent d'être des experts en économie.

L'adéquiste François Bonnardel croit de son côté que, dans un objectif de transparence, le gouvernement devrait s'engager à consolider toutes ses dépenses sur une seule ligne dans ses comptes publics. «Les dépenses des organismes et des fonds ont explosé pour atteindre 18 milliards. Elles ne sont pas assujetties à un contrôle serré et représentent pourtant le quart des dépenses totales. C'est une aberration de manipuler ainsi les chiffres du budget», a lancé M. Bonnardel.