Il a beau ne pas avoir signé son manifeste, Lucien Bouchard trouve néanmoins que François Legault a «mille fois raison» quand il dit que l'éducation doit être la priorité numéro un au Québec.

Que pense-t-il de son manifeste?

«Ce qui me frappe, c'est qu'avec ce programme assez mince, où il ne dit pas grand-chose qu'on ne sache pas déjà, et où le comment n'est pas tellement présent, avec un document squelettique au fond, il y a déjà 30% d'appui dans la population!

«Ça s'explique par le vide politique. Et le vide politique, ce n'est pas François Legault qui l'a créé, c'est les deux autres partis. Ils ont peur de la réaction chaque fois qu'il faut demander un effort.

«Regardez comment les libéraux ont retraité après le dernier budget. Le PQ, lui, s'approche du pouvoir et ne veut surtout pas déplaire.

«Mais les gens ne sont pas fous, ils voient bien ce qui se passe. Nos finances publiques attachées avec de la broche à foin, les jeunes qui décrochent de l'école, les autres qui se demandent ce qui va leur arriver, avec la dette immense qu'on leur lègue, avec de moins en moins de gens pour la payer... Je ne peux pas comprendre qu'on laisse aller ça. Les Québécois ont toujours légué plus aux générations qui les ont suivis. Il faut remotiver les gens avec un projet qui soit porteur, et pour moi, l'éducation, c'en est un. Il faut recommencer à être fiers.

«Comprenez-moi, je suis en empathie avec les politiciens, ils travaillent tout le temps, ils ont des nuits sans sommeil, ils se font attaquer pour chaque décision et ce qu'ils font n'est absolument pas valorisé. Il faut revaloriser le projet politique.»

Fort bien, alors pourquoi ne le voit-on pas à bord du train Legault?

«Moi, je ne peux pas y aller à moitié, dit-il.

Ne me dites pas que vous ne pensez jamais à un retour en politique...

J'y pense souvent! Mais je refais l'évaluation et je me retrouve avec les mêmes paramètres, et la conclusion est toujours la même.»

«Ça va faire 10 ans en avril que j'ai quitté la politique et quand je suis parti, j'ai parlé des raisons familiales. Je sais qu'on ne croit pas les politiciens quand ils disent ça, mais pour moi, c'était un élément très important. Mes enfants ont 19 et 21 ans et j'adore vivre avec eux. Deux générations me séparent d'eux, mais grâce à eux, je suis en contact avec leurs amis, avec les parents de leurs amis.

«En politique, j'ai passé 16 ans au monastère. Mon tempérament n'était pas particulièrement jovial, mais j'ai assumé. La vie familiale et personnelle en prend un coup. C'est un dur métier. Et je ne sais pas si j'aurais encore la patience... En même temps, quand on s'absente un temps de la politique, quand on prend du recul, on acquiert de la perspective, les passions sont assagies, on referait les choses un peu autrement... Regardez Robert Bourassa, il était bien meilleur à son retour (en 1985).»

C'est un non à la politique très rationnel, on le voit. Le coeur dirait oui, c'est évident.