Une vingtaine de programmes d'études techniques et professionnelles pourraient bientôt ne plus être offerts au Québec, dont la cordonnerie, la sommellerie et les techniques équines. C'est ce que révèle un document du ministère de l'Éducation que La Presse a obtenu.

Dans le cadre de la refonte des programmes de formation professionnelle, le gouvernement songe aussi à fusionner une cinquantaine de cours. La technique policière, la technique du milieu naturel et la formation de garde-chasse pourraient être regroupées pour créer un diplôme d'études collégiales en protection des territoires fauniques. Cette éventualité soulève beaucoup de questions dans le monde de l'éducation.

Depuis l'été dernier, le ministère de l'Éducation (MELS) procède à une importante refonte de l'enseignement professionnel dans le but de coordonner l'offre de cours aux besoins du marché du travail. Le MELS a préparé un «plan d'optimisation» dans lequel il explique comment il veut revoir les 140 programmes de formations professionnelles et les 110 diplômes d'études collégiales (DEC) offerts actuellement.

On y apprend que «18 programmes d'études sont visés par une analyse de pertinence de leur maintien». Les diplômes de mécanique marine, de technique équine, de reprographie, de cordonnerie et de sommellerie, notamment, pourraient disparaître. On pourrait en outre regrouper une centaine de cours afin d'offrir des «programmes plus génériques». Par exemple, les formations en production laitière, porcine et de bovins de boucherie, autrefois distinctes, seraient regroupées dans un cours de «Production animale». Les techniques de comptabilité, de gestion de commerce, de gestion hôtelière, de gestion d'établissements de restauration et de commercialisation de la mode seraient regroupés dans un cours de «Gestion de commerces».

Selon le document, la technique policière serait aussi associée à des cours de garde-chasse et de protection de la faune pour créer un cours de «Protection des territoires fauniques». «Dans ce cas précis, on nous a assuré que ça n'aurait pas lieu. Mais ça montre qu'on va très loin dans l'exercice de fusion des programmes», note Léo Bureau-Blouin, président de la Fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ). Il ajoute que les élèves demandent depuis longtemps à siéger au Comité national des programmes d'études professionnelles et techniques (CNPEPT), qui regroupe les syndicats d'enseignement, le MELS et les représentants du marché du travail. Le CNPEPT a pour mandat de conseiller Québec sur la refonte des cours. «Les décisions ne doivent pas se prendre en catimini. Les étudiants veulent être consultés», dit M. Bureau-Blouin.

Inquiétudes en région

La présidente de la Fédération des commissions scolaires du Québec (FCSQ), Josée Bouchard, explique que les centres de formation professionnelle sont des «moteurs économiques» dans les régions, tout comme les cégeps.

Elle se questionne sur la pertinence de favoriser à tout prix les formations pour lesquelles il y a une demande sur le marché du travail. Elle déplore par exemple la possibilité que les techniques équines, qui font vivre le cégep de La Pocatière, disparaissent sous prétexte que les perspectives d'emploi sont trop limitées. «Oui, il faut recruter plus dans les secteurs en demande. Mais la formation professionnelle est une formation de base. Il ne faut pas seulement qu'elle réponde aux besoins du marché du travail.» Elle cite le cas de la cordonnerie: «On aura toujours besoin de cordonniers! Comment va-t-on les former s'il n'y a plus de formation?»

La vice-présidente de la Fédération des syndicats de l'enseignement du Québec (FSE), Josée Scalabrini, explique que le MELS justifie l'élimination des cours de cordonnerie en disant que la demande est inexistante. «Mais au lieu d'éliminer la formation, il faudrait plutôt se demander pourquoi elle n'est plus populaire et voir quels sont les nouveaux besoins en lien avec ce métier», dit-elle.

Dans les mois à venir, la ministre de l'Éducation, Line Beauchamp, fera une tournée des régions pour s'informer des besoins en formation professionnelle. Elle tiendra également en juin une rencontre ministérielle à ce sujet.