Québec investira 95 millions de dollars au cours des 10 prochaines années pour créer une filière industrielle «de classe mondiale» dans le secteur des véhicules électriques.

C'est ce que prévoit un plan d'action 2011-2020 que le premier ministre Jean Charest a dévoilé en grande pompe, hier. Pour l'opposition, les investissements annoncés au cours de ce «spectacle de relations publiques» sont «nettement insuffisants».

Comme La Presse l'a révélé hier, Québec veut que les voitures tout électriques ou hybrides rechargeables représentent 25% des ventes de nouveaux véhicules légers pour passagers en 2020. Cette cible est «ambitieuse, mais réaliste», indique le plan d'action. En 2020, les Québécois vont acheter 118 000 véhicules électriques neufs, croit le gouvernement Charest. Et 300 000 véhicules électriques devraient rouler sur les routes du Québec la même année, ce qui représenterait environ 5% du parc automobile.

Montrer l'exemple

Québec veut montrer l'exemple en lançant, avec des villes et des entreprises privées, des appels d'offres pour acheter «au moins» 400 véhicules électriques au cours de la prochaine année.

«Le Québec dispose plus que quiconque des atouts» pour développer le transport électrique, a plaidé Jean Charest, entouré de quatre ministres. On avait dépêché plusieurs députés à la conférence de presse, en plus de placer, pour les caméras, des modèles de véhicules hybrides et électriques en arrière-scène.

Selon le plan d'action, Québec offrira un soutien de 30 millions de dollars aux assembleurs et aux fabricants de pièces pour véhicules hybrides ou tout électriques. Une enveloppe de 25 millions servira à attirer au Québec des projets d'investissements étrangers dans ce secteur.

Selon les calculs de Québec, cette aide de 55 millions générera des investissements privés de 500 millions qui feront passer de 1500 à 5000 le nombre d'emplois directs et indirects liés au transport électrique. Le gouvernement appuiera la recherche et le développement dans ce secteur à hauteur de 36 millions de dollars.

Transports collectifs

Québec veut que 95% des déplacements en transports collectifs se fassent avec des véhicules électriques en 2030; c'est 50% à l'heure actuelle. Il donnera jusqu'à 5 millions de dollars sur trois ans aux sociétés de transports en commun pour leur permettre d'intégrer des autobus électriques à leur parc. Ces sociétés toucheront également des subventions plus généreuses pour acheter des véhicules de service hybrides ou électriques, une mesure évaluée à 3 millions.

Le gouvernement Charest chiffre à 250 millions les investissements prévus à son plan, mais il inclut des mesures déjà annoncées. C'est le cas du rabais à l'achat ou à la location de véhicules hybrides ou tout électriques, de même qu'à l'acquisition et l'installation de bornes de recharge à domicile (50 millions).

Jean Charest a fait valoir que le virage vers la voiture électrique réduira les émissions de gaz à effet de serre en plus de diminuer les importations de produits pétroliers. Le PDG d'Hydro-Québec, Thierry Vandal, s'attend à des rentrées d'argent «significatives» dans les coffres de la société d'État.

Un plan qui «manque d'ambition»

Pour le critique du Parti québécois en matière de transports, Nicolas Girard, ce plan, reporté plusieurs fois, «manque d'ambition et de réalisme». «On ne prendra pas le leadership en transport électrique» avec 95 millions sur 10 ans pour créer une filière, une somme «risible», a-t-il affirmé.

Le député de Gouin a souligné qu'à peine 42 véhicules électriques ont été vendus cette année au Québec, ce qui représente 0,01% des achats d'automobiles neuves. «Et là, on nous dit qu'on va en vendre 142 000 d'ici 2020. Nous, on pense qu'il y a beaucoup de pensée magique là-dedans.» D'autant plus que le rabais à l'achat est plafonné à 10 000 véhicules en quatre ans, a ajouté M. Girard.

Une cible «irréaliste»

La cible gouvernementale de 25% est «irréaliste», estime le député adéquiste François Bonnardel.

Il a souligné que les stocks de véhicules électriques sont limités; leur prix, élevé; leur autonomie, encore limitée; et les délais de recharge, longs.

Pour l'opposition, c'est «illusoire» de penser que le gouvernement respectera son objectif de réduire de 20% d'ici 2020 les émissions de gaz à effet par rapport au niveau de 1990.

Selon le porte-parole d'Équiterre, Hugo Séguin, le plan d'action est «une mesure bienvenue, nécessaire, mais pas suffisante». Québec doit en plus investir massivement dans le transport collectif, un avis partagé par le président du Réseau des ingénieurs du Québec, Yves Lavoie.