Au lendemain d'un appui à son leadership sans précédent au Parti québécois, Pauline Marois a subi un autre test dimanche. Elle a dû utiliser toute son influence pour faire renverser une mesure sur l'interdiction de l'anglais dans l'affichage commercial.

C'était la commotion dans les hautes instances du parti après la victoire-surprise de l'aile radicale sur le parquet du congrès, en avant-midi. Une courte majorité des quelque 1500 délégués avaient voté pour une mesure controversée, voire explosive: l'affichage unilingue. Une douche froide pour la chef, elle qui venait d'être plébiscitée par 93,08% des délégués à l'issue d'un vote de confiance samedi.

Mais une volte-face spectaculaire est survenue en après-midi à la suite d'un branle-bas de l'état-major, qui a eu recours à une mesure exceptionnelle.

En assemblée plénière, une militante qui avait appuyé la proposition sur l'affichage unilingue a présenté une demande pour reprendre le débat et le vote. Les deux tiers des délégués ont accepté.

La loi 101 au cégep

Pauline Marois s'est alors adressée à ses militants, déterminée à prendre sa revanche sur l'aile radicale de son parti. «Je ne souhaite pas que l'on s'engage dans un nouveau débat juridique sur la langue d'affichage. Nous avons été déboutés jusqu'à l'ONU sur cette question», a affirmé la chef.

«Je comprends l'inquiétude et le désarroi à l'égard du recul de la langue française, en particulier à Montréal», a-t-elle ajouté. Mais le congrès a déjà adopté des «mesures structurantes majeures», comme appliquer la loi 101 au cégep. «Je vous demande de rejeter cette proposition» sur l'affichage unilingue français, a-t-elle conclu.

Pierre Dubuc, rédacteur en chef de L'Aut'Journal et membre du SPQ Libre - qui n'est plus un club politique au sein du PQ -, est revenu défendre sa proposition. Un membre du Réseau de résistance du Québécois, Dominique Beaulieu, lui a prêté main-forte. Mais la zizanie soulevée par la décision de la matinée avait fait grand bruit dans les médias. Et au moment du vote, une forte majorité de délégués ont finalement rejeté la proposition, soucieux de mettre un terme à la controverse.

Cette proposition avait fait son chemin jusqu'à l'assemblée plénière dans une cascade d'événements rocambolesques. À la surprise générale, elle avait été adoptée à l'unanimité lors d'un atelier sur la langue samedi. Pauline Marois s'attendait plutôt à ce qu'elle soit battue. Mais le député Pierre Curzi, responsable du dossier linguistique, était alors à l'extérieur de la salle pour commenter sa victoire sur la loi 101 au cégep survenue quelques minutes auparavant. Il n'avait pu exercer d'influence sur le vote.

Militant dans Beauharnois, l'ex-chef syndical Marc Laviolette, du SPQ Libre, disait à La Presse samedi que l'état-major du parti avait laissé passer la proposition en atelier pour ne pas froisser des militants au moment où se déroulait le vote de confiance.

En plus de Pierre Curzi, un autre député, Yves-François Blanchet, était présent à l'atelier. Et il avait voté en faveur. Vingt-quatre heures plus tard, à l'assemblée plénière, il s'était présenté au micro «contre», disant avoir changé d'avis après «réflexion».

Les députés ne veulent pas de «guerre linguistique»

Plusieurs députés étaient alors derrière lui, afin de signifier à l'assemblée la position du caucus. Mais une courte majorité avait malgré tout voté pour la proposition.

Les députés Pierre Curzi et Louise Beaudoin s'étaient empressés de convoquer les journalistes pour dire que la mesure ne figurerait pas dans une plateforme électorale. Pas question de «s'ouvrir les veines là-dessus». «Personne n'a vraiment envie qu'on refasse une guerre linguistique sur ça. On ne veut pas rouvrir un débat sanglant», a lancé Pierre Curzi. Quelques heures plus tard, l'intervention de la chef permettrait d'envoyer la proposition à la poubelle.

«Je fais mon mea culpa», a dit M. Curzi à la fin du congrès, reconnaissant que la proposition émanait de sa propre région et qu'il aurait dû être plus vigilant. «Je n'étais pas là au vote. Je regrette. On n'aurait pas été obligé de faire cette procédure-là.»

Pierre Dubuc a accepté la défaite. «Ça s'est fait dans les règles», a-t-il affirmé. Dominique Beaulieu s'est dit «déçu que le Parti québécois revire sa chemise de bord».

En conférence de presse, Pauline Marois a minimisé la controverse. «C'est probablement parce que vous n'avez pas assisté aux autres congrès du Parti québécois pour penser qu'il y a eu un psychodrame dans celui-ci», a-t-elle répondu à un journaliste.

Elle a précisé que l'application de la loi 101 aux cégeps, dans les écoles de formation professionnelle et d'éducation aux adultes figurera dans la prochaine plateforme électorale. Peu de militants s'y sont opposés. «C'est un bazooka», avait tonné Mathieu Bélanger, professeur de cégep, lors d'un atelier samedi. Cette mesure risque selon lui de nuire au PQ lors des prochaines élections.

Pour Pauline Marois, ce congrès est «historique». Les troupes sont unies, et le programme adopté est «audacieux».

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Les principales résolutions adoptées

> Promotion de la souveraineté

Les tenants d'une démarche plus claire vers la souveraineté au lendemain d'une élection du PQ ont remporté une victoire mitigée. Une partie de la proposition Crémazie - défendue par la députée Lisette Lapointe, épouse de Jacques Parizeau - a été adoptée. Un gouvernement péquiste utiliserait les fonds publics pour réaliser des études sur la souveraineté et en assurer la diffusion, position avec laquelle Pauline Marois se dit «tout à fait confortable». Plus contraignante, l'autre partie de la proposition, celle visant à créer une «commission de préparation à la réalisation de la souveraineté», ne s'est même pas rendue à l'assemblée plénière. Elle a été écartée dès samedi, en atelier.

> Droits de scolarité

En vertu du programme adopté, un gouvernement péquiste gèlerait les droits de scolarité à compter de 2012. Et ce, jusqu'à la tenue d'un sommet sur l'éducation et l'adoption d'une loi-cadre.

> Financement des écoles privées

L'un des plus gros débats a porté sur le financement public des écoles privées. La députée Monique Richard, ex-chef de la CEQ, a plaidé pour l'éliminer graduellement. Sa collègue Marie Malavoy s'est opposée, plaidant que le problème réside dans la sélection des élèves. Les délégués ont donné raison à Mme Malavoy.

> Financement des partis politiques

Un gouvernement péquiste réduirait à 100$ le don maximum à un parti politique. Le financement des partis deviendrait essentiellement public. Le PQ avait d'abord proposé à ses militants un maximum de 500$. Le député Bernard Drainville a défendu l'idée du 100$, mesure nécessaire «pour casser le système des prête-noms et rétablir le lien de confiance avec la population». Rappelons que les libéraux ont fait passer de 3000$ à 1000$ le don maximum.