Mario Bédard, comptable agréé externe choisi chaque année depuis 2006 par le Parti québécois pour vérifier et certifier ses comptes déposés auprès du Directeur général des élections, était aussi collecteur de fonds pour ce parti, en plus d'être encore engagé dans des activités-bénéfice, démontre une enquête de La Presse. De plus, la firme qui l'emploie fait la promotion du parti de Pauline Marois sur son site internet.

La syndique de l'Ordre des comptables agréés a décidé de se pencher sur ce dossier pour vérifier s'il n'y a pas contravention au code de déontologie de l'Ordre qui, pour s'assurer de l'indépendance de ses membres, bannit toute proximité et tout conflit d'intérêts.

«Je vais regarder ça et interroger M. Bédard, mais, à partir de maintenant, cela devient confidentiel et je ne pourrai pas vous parler de mon enquête», a réagi la syndique Ginette Lussier-Price, en entrevue à La Presse.

Le code de déontologie des comptables agréés prévoit à l'article 36.4 que le «membre qui exécute ou participe à une mission de certification [...] doit demeurer libre de toute influence, de tout intérêt ou de toute relation, qui eu égard à cette mission, peut porter atteinte à son jugement professionnel ou à son objectivité ou en donner l'apparence». Un autre article indique que le membre ne doit pas se placer en situation de conflit d'intérêts.

«Je suis à la base plus péquiste que libéral, reconnaît Mario Bédard. Mais, lorsque je signe les états financiers, je me sens très indépendant. Pensez-vous que je vais mettre mon intégrité à risque?»

Le comptable agréé Mario Bédard travaille en tant que responsable de la certification au sein de la firme Mallette, cabinet reconnu par l'Ordre des comptables agréés. Il en est aussi l'un des dirigeants, à titre de vice-président du conseil d'administration. Mallette compte aussi parmi ses associés Charles Rondeau, autre argentier très connu, du Parti libéral du Québec cette fois.

Mario Bédard est très lié au Parti québécois. Dans un portrait que Le Soleil lui a consacré en 2008, l'ex-directeur du Parti québécois Pierre Chateauvert le qualifie de collecteur «efficace, discret et de confiance». Le nouveau DG du PQ, Sylvain Tanguay, dit ne pas comprendre ces propos: «Il n'y a pas de Charles Rondeau chez nous. Ce sont nos bénévoles qui s'occupent du financement. Le PQ est dans le financement très populaire. M. Bédard vend peut-être un à deux billets par année.»

Mario Bédard réfute le terme de «collecteur». Il précise qu'il a été trésorier du PQ dans Limoilou jusqu'à la fin des années 90, «fait quelques cocktails» par la suite et «participé à une activité par année» et assure n'être plus membre du PQ. «Les réputations nous suivent», constate-t-il.

Contrat renouvelé

Sylvain Tanguay, directeur général du PQ, a renouvelé le contrat de la firme Mallette pour 2010. À La Presse, il a dit qu'il ne «savait pas tout ça» avant de reconduire le contrat, mais ajoute que les liens entre Mario Bédard, sa firme et le parti «ne sont pas des éléments pris en considération». «Je ne vois pas de lien de cause à effet. Notre critère est que le travail soit rigoureux.»

Un gros logo du PQ apparaît aussi sur une des pages du site internet de la firme Mallette, à la section «Mallette dans la communauté». Il s'agit de la promotion d'une «activité-bénéfice du Parti québécois», organisée le 3 juin à Charlesbourg, au cours de laquelle Mario Bédard prononcera une conférence sur le futur amphithéâtre, en présence du député François Gendron. Le prix du billet est de 50$ (7,50$ après déduction fiscale). «Je n'étais pas informé de ça, je suis étonné et je vais faire des vérifications», dit M. Tanguay, visiblement embarrassé. Mario Bédard réplique que son projet est apolitique: «C'est le Colisée du peuple, peu importe la couleur politique. Si le ministre Sam Hamad me demande de faire la même conférence, je m'empresserai de dire oui.»

De son côté, le DGE ne considère pas cette «publicité» comme une contribution illégale d'une entreprise, puisqu'elle ne coûte rien. «Il faut que le service soit monnayable pour être assimilé à une contribution», précise Denis Dion, porte-parole du DGE.

Au bureau du DGE, on indique que la loi électorale impose seulement que le vérificateur ait «légalement le droit de pratiquer la vérification publique au Québec», et n'être ni député ni «agent officiel ou un représentant officiel du parti». Rien n'est prévu pour les collecteurs de fonds. «On ne peut agir que dans le cadre de ce que la loi nous donne», ajoute Cynthia Gagnon, porte-parole de l'organisme.

Au PLQ, on indique que c'est la firme Deloitte qui vérifie les comptes du parti depuis 2005. Michel Rochette, responsable des communications du parti, explique que Deloitte a été choisie notamment pour son «nom et sa réputation». Deux autres firmes ont été rejetées par ce parti, car elles emploient l'ex et le représentant actuel du PLQ. «C'est Deloitte qui choisit qui sera notre vérificateur», précise-t-il.