L'Action démocratique du Québec et son chef, Gérard Deltell, prennent leurs distances par rapport aux déclarations passées de Stephen Jarislowsky, le gourou canadien des marchés financiers, l'invité-vedette de leur congrès de Trois-Rivières, la fin de semaine prochaine.

Après le référendum de 1995, l'expert montréalais était entré de plain-pied dans le débat sur les fusions municipales et avait traité de «fascistes» les gouvernements Parizeau et Bouchard. Un qualificatif qu'il étend volontiers aujourd'hui à tout le courant souverainiste.

«Monsieur Jarislowsky est invité par l'Action démocratique du Québec à son conseil général pour parler d'économie et de fiscalité, lui qui est une sommité reconnue mondialement pour son expertise», commente Sébastien Lépine, porte-parole de Gérard Deltell.

Pour lui, les déclarations du financier - il compte parmi les 250 plus importantes fortunes de la planète - «sont malheureuses, et nous ne les endossons aucunement. C'est à M. Jarislowski de s'expliquer, pas à notre parti politique».

Gérard Deltell a refusé de son côté tout commentaire.

Fondateur de Jarislowsky Fraser, société de conseillers en placements qui existe depuis 1955, le diplômé de Harvard est «reconnu pour son franc-parler», note le document publié par l'ADQ, en prévision de son congrès. M. Jarislowsky sera présenté aux délégués samedi après-midi par une bonne connaissance, Claude Garcia, ancien patron de la Standard Life. Les deux hommes siègent ensemble au sein de conseils d'administration. Il ne prend pas position pour l'ADQ, ni pour un éventuel parti de François Legault; pour lui toutefois, les électeurs devraient avoir un choix pour sortir du perpétuel combat entre les libéraux et les péquistes, qui monopolise toutes les énergies.

«Ferveur religieuse»

Joint hier par La Presse, le gourou ne reniait rien de ses propos. «Je n'ai jamais sous-estimé mes amis MM. Parizeau et Bouchard. M. Bouchard, par la suite, a montré qu'il n'était pas un vrai séparatiste!», a dit M. Jarislowsky.

Pour lui, le courant indépendantiste «est toujours animé d'une ferveur religieuse au Québec. Les gens qui veulent le pouvoir à tout prix vont raconter toutes sortes d'histoires pour l'obtenir. C'est peut être pas nazi... mais c'est fasciste!» lance-t-il.

Rencontré récemment, Jacques Parizeau a convenu que le contexte avait changé depuis les dernières années, confie l'homme d'affaires. «Bouchard a bien viré, lui, il n'est plus souverainiste du tout!»

En 1997, il demandait à ses concitoyens de continuer à se battre contre «un adversaire fasciste» qui, «comme d'habitude, se nourrit d'une ferveur quasi religieuse (tel l'Union soviétique, l'Allemagne nazie et l'Italie fasciste)».

«Un Parizeau, un Bouchard ne devraient jamais être sous-estimés, en dépit des berceuses, personne ne devrait dormir».

«La ferveur émotive est rarement compatible avec le discours rationnel. Pire encore, un fasciste ou un communiste ne s'embarrasse jamais de logique», soutenait-il devant le conseil municipal de Westmount.

«La logique de ceux qui ont un complexe d'infériorité, la logique de ceux qui sont envieux, de ceux qui sont dorlotés, n'a pas beaucoup en commun avec le gros bon sens», ajoutait l'expert financier.

Pour lui, les citoyens des régions du Québec devraient rapidement apprendre la langue anglaise. «Si vous allez en Suède ou au Danemark, il n'y a pas une personne qui ne parle pas anglais. Même les Chinois, dont la langue est répandue, apprennent l'anglais», observe-t-il.

Par rapport à 1997, le sentiment xénophobe est presque disparu à Montréal, mais on le retrouve encore en région, constate-t-il. Il y a 14 ans, il soutenait voir, «une phobie à l'endroit des ethniques, par une proportion de francophones, à Montréal et en dehors». «Nous votons pour le fédéralisme qui, dans l'esprit des fascistes est un péché», avait-il soutenu devant ses concitoyens de Westmount.

Toujours en 1997, il a rappelé s'être prononcé au référendum en faveur de la partition du territoire québécois. Il proposa par la suite que Montréal devienne une «cité-État» au sein du Québec. «Je suis toujours de cet avis» a renchéri M. Jarislowsky, hier.

Pour lui, tout ce projet de fusions municipales visait «à acheter des votes» et permettait d'établir un monopole syndical sur les employés municipaux, «quelques années plus tard les coûts avaient augmenté de 10%», rappelle-t-il.

Charest écorché

Rappelant que les gens de Westmount faisaient partie «d'une des communautés les plus riches du Canada» et probablement l'une des plus instruites, il note que la discrimination n'y a pas trouvé de place. À Westmount, «je ne constate pas de problèmes protestant, catholique ou juif. Je ne vois pas de problèmes entre les francophones, les anglophones, les Italiens ou les Irlandais».

Au passage, M. Jarislowsky écorche le gouvernement Charest. Il est faux de prétendre que les libéraux ont réduit les taxes et les impôts: «On chasse les gens les plus intelligents, on paie les impôts les plus élevés au monde». Le gouvernement Charest camoufle bien des dépenses dans des fonds distincts, constate-il. Le gouvernement Harper, en revanche, a davantage «livré la marchandise». «Ils sont plus disciplinés. Je n'aime pas M. Harper, mais j'admire ce qu'il fait et ce qu'il dit. Ce qu'il veut comme État n'est pas aussi démocratique que ce que je souhaite», conclut-il.