L'Action démocratique du Québec se prépare à former une coalition avec François Legault quand il annoncera qu'il crée un nouveau parti politique, l'automne prochain.

Gérard Deltell refusera de le confirmer, mais des stratèges ont aussi confié à La Presse qu'il «n'est pas cramponné à son poste» et accepterait de devenir chef de l'aile parlementaire d'une nouvelle formation.

«Gérard Deltell est chef de l'ADQ et y restera; il vient d'avoir 97% d'appuis des membres au congrès!», a dit l'un de ses conseillers, Richard Thibault. Un autre d'ajouter: «Si le parti changeait, ce serait une autre histoire, ce serait autre chose.»

«Gérard aimerait bien qu'il y ait un mariage. Il n'est pas dans une position d'entêtement. Il est ouvert. Mais il n'est pas question que l'ADQ se vende au rabais», a confié un autre stratège adéquiste.

Pragmatique, Deltell sait que Legault «tire» davantage dans les sondages, surtout hors de la région de Québec. L'ancien journaliste s'est retrouvé chef de l'ADQ par un concours de circonstances -le chef élu, Gilles Taillon, avait quitté son poste quelques jours seulement avant que son adversaire Éric Caire ne claque la porte du parti-.

L'ancien parti de Mario Dumont a remonté dans les sondages depuis l'automne dernier et a rallié dans les dernières semaines des personnalités connues: Adrien Pouliot, Claude Garcia, Jean-Claude Gobé... On a même attiré Raymond Bréard, ancien directeur du PQ sous Bernard Landry. Or, il semble que l'ADQ ait désormais fait le plein de ses appuis naturels. En outre, la raclée qu'ont subie les conservateurs n'est pas de bon augure pour les adéquistes de la capitale.

Mais dans l'ensemble, les résultats étonnants du NPD aux élections générales du 2 mai ont ravivé l'enthousiasme des adéquistes et du clan Legault, qui croient que le succès de Jack Layton au Québec illustre le ras-le-bol des électeurs vis-à-vis des vieux visages, des anciens partis.

Selon un collaborateur de François Legault, en plus du désir de changement, il y a un autre message dans le choix des Québécois le 2 mai. En votant NPD, le Québec indique qu'il n'est pas prêt à virer à droite toute, un message lourd de sens à la veille du conseil national de l'ADQ, qui a lieu ce week-end à Trois-Rivières. Ceux qui font le pont entre l'ADQ et le clan Legault ne souhaitent pas que les troupes adéquistes se campent trop à droite en fin de semaine.

Un pacte

Reste à déterminer si le nouveau véhicule adoptera l'étiquette du parti fondé en 1994 par Jean Allaire avec des libéraux mécontents. Mais après des semaines de discussions suivies, dans l'entourage de Gérard Deltell et dans le clan Legault, on a réalisé que seule une coalition pourrait ratisser les votes du courant de droite avec une chance d'arriver au pouvoir.

«S'il n'y a pas de mariage entre l'ADQ et Legault, il y aura fatalement un acteur de trop aux prochaines élections», résume-t-on dans le camp adéquiste.

M. Legault ne peut pas se permettre d'essayer de «ramasser les adéquistes un par un». Le maintien d'un autre parti de centre droit, même réduit à sa plus simple expression, risquerait de fractionner les voix.

Les députés adéquistes sont «favorables» à un rassemblement des forces, même si ce n'est pas spontané. La coalition permettrait en outre de tendre la main à Éric Caire et à Marc Picard, deux députés adéquistes devenus indépendants.

Dans les coulisses, le rapprochement est déjà fait: l'ADQ et le clan Legault ont coordonné leurs interventions publiques -du côté de Legault, la Coalition pour l'avenir du Québec a reporté à mardi prochain, après le congrès adéquiste, la publication de son document sur la question de la santé-.

Les deux groupes ont convenu que l'ADQ ne définira pas son programme sur des sujets comme la santé, l'éducation et les affaires sociales tant que la Coalition n'aura pas publié toutes ses prises de position. Ces sujets déterminants ont été repoussés jusqu'au conseil général de novembre prochain.

En retour, François Legault a accepté de ne pas chercher à obtenir l'appui d'anciens adéquistes, des trophées de chasse qui auraient eu l'air d'une déclaration de guerre à l'ADQ.

M. Legault commence une série de discours devant des chambres de commerce locales, notamment à Lévis et en Abitibi. Le 6 juin, il s'adressera à la Fédération des chambres de commerce du Québec à Montréal.

Les ponts sont nombreux entre l'ADQ et la Coalition pour l'avenir du Québec. D'abord, les deux chefs se sont rencontrés avant les Fêtes et se parlent encore régulièrement. Martin Koskinen, lieutenant de Legault, a un contact régulier avec Éric Vachon, le chef de cabinet de M. Deltell.

Un organisateur de Legault, Patrick Lebel, est aussi dans le coup, ainsi que Me Mario Charpentier, ami personnel de François Legault, qui a été candidat et même président de l'Action démocratique du Québec.