Avec en trame de fond une délicate opération de rapprochement avec François Legault, les adéquistes ont entrepris un douloureux recentrage de leur plate-forme politique. Il n'est plus question pour l'ADQ de privatiser Hydro-Québec, même en partie, un des leitmotive du parti de Mario Dumont depuis au cours des dernières années.

Des résolutions susceptibles de soulever la controverse, sur le recours systématique aux partenariats publics privé, le rôle d'Investissement Québec, une diminution des métiers de la construction et la réduction du fardeau fiscal des corporations sont mises sur la glace. Officiellement, elles sont «déposées» pour réexamen à la commission politique du parti.

Dans son édition de samedi, La Presse révélait le projet de fusion entre l'ADQ et le groupe autour de François Legault. L'ancien ministre péquiste ne souhaitait pas voir les troupes de Gérard Deltell adopter une position trop à droite -un message retransmis clairement à la tête de l'ADQ, par son ami, l'ancien président du parti, Mario Charpentier, a-t-on appris.

Le fondateur du parti, Me Jean Allaire a sonné ce ralliement vers le centre, annonçant qu'il s'opposait désormais à ce que son parti propose la privatisation d'Hydro-Québec. Cet engagement adéquiste de 2008 avait laissé un goût amer dans la population, selon les stratèges du parti. «On s'attaque à une idole du Québec! Politiquement, veut-on être accusé de vendre ou privatiser quelque chose que tout le monde aime? Quelque chose qui fait encore l'orgueil des Québécois aujourd'hui», a soutenu Me Allaire. Janvier Grondin député de Beauce est venu rappeler que les libéraux du Nouveau-Brunswick s'étaient cassés les dents sur un tel projet, «et depuis, ils sont en vacances!».

Pour Jean-Yves Côté, de Marguerite d'Youville, «si on vend la vache, on aura plus de lait. J'ai de la misère avec ça d'autant plus qu'Hydro-Québec est une vache sacrée. C'est un symbole très fort. Si on touche à ça, faut savoir dans quoi on s'embarque», a-t-il lancé.

«J'étais candidat en 2008, on a perdu en disant qu'on allait privatiser Hydro-Québec. Les Québécois ne sont pas encore prêts à entendre le mot privatiser», a lancé Ludovic Magny de Mille-Isles.

«L'inaction démocratique!»

À chaque occasion, les adéquistes ont biffé dans leurs résolutions les paragraphes où on chiffrait précisément les économies attendues de chaque décision. Il s'agit d'un camouflet au nouveau président de la commission politique du parti, Claude Garcia qui a soutenu qu'une gestion adéquiste dégagerait 2,7 milliards de dollars de marge de manoeuvre par année.

Les délégués ont ainsi biffé, l'objectif de 800 millions de réductions de frais d'exploitation pour Hydro-Québec, oublié aussi la cible de 500 millions d'économies que permettait une réduction du service de dette et les 250 millions tirés d'une nouvelle gestion des fonds d'investissement émis par la FTQ et la CSN.

Mais cette opération ne s'est pas faite sans heurts. Un militant de Mauricie a lancé: «on se croirait à l'Inaction démocratique du Québec!».

Quand le conseil général a hésité à mettre en cocon Investissement Québec, Denis Frenette un militant de Terrebonne s'est insurgé: «Il faudra réfléchir si on est adéquiste ou pas. À chaque fois qu'on veut reconsidérer une dépense, on dit que peut-être cela ne marchera pas!»

«On est très timide aujourd'hui, on ne veut pas toucher à grand-chose. Le conseil général promettait ¨Moins d'État pour mieux gouverner!¨. On a été chatouilleux pour Hydro-Québec, on peut prendre ça sur Loto-Québec. Il n'y a pas de révolution», affirme Denis Lefebvre militant de Jacques-Cartier.

SAQ, Loto-Québec, construction, Caisse de dépôt et PPP

Les adéquistes ont accepté de mettre fin au monopole de la Société des alcools du Québec pour la vente de vins et de spiritueux. On veut aussi proposer à des compétiteurs les activités de Loto-Québec à la condition toutefois que l'on n'augmente pas l'offre de jeu.

En matinée le chef Gérard Deltell avait ouvert la voie, les délégués se sont défoulés en adoptant une série de propositions pour mettre au pas les syndicats.

En revanche on a joué de prudence et mis de côté une résolution proposant de brasser les cartes dans la construction en réduisant le nombre de métiers protégés par des cartes de compétence.

«Il y a 26 corps de métiers, on en fait disparaître 20, c'est beaucoup de monde... c'est autant de personnes qui vont se révolter. C'est une des mesures les plus explosives dont on a parlé aujourd'hui. Je veux qu'on soit réaliste. S'il arrive quelque chose de malheureux avec les 20 syndicats qui vont disparaître il peut y avoir des explosions assez graves, Napoléon disait qu'il faut choisir ses batailles», a prévenu Jean Allaire.

Les adéquistes ont aussi tabletté une proposition qui aurait retiré à la Caisse de dépôt et placement du Québec une proportion importante des retraites du secteur public. On s'est rabattu sur un changement de gestion à la Commission d'administration des régimes de retraite (CARRA).

Ancien lieutenant de Mario Dumont, Me Jean Nobert s'était vu confier la manette de frein cette fois. «On est généralement plutôt frileux à déposer des propositions. On est dans l'action et on veut avancer. Mais dans ce cas-ci avant d'amputer la Caisse de dépôt de sa plus grande partie de fonds, il faut y penser» a-t-il dit.

Les adéquistes ont aussi envoyé au frigo une proposition qui devait à l'origine envoyer tous les contrats importants d'infrastructure en partenariat public-privé. On avait d'abord décidé d'un amendement pour dire qu'on l'utiliserait si nécessaire, pour se rendre compte que c'était de toute façon déjà le cas».

Cette fois, un autre vétéran Patrick Robitaille, l'ancien directeur du parti, s'est rendu au micro pour faire tabletter la proposition.

«Beaucoup de gens au Québec ne sont pas ouverts aux PPP» de soutenir Patrick Cosette militant de Beauce-Nord.

Les syndicats au pas

Comme l'avait indiqué leur chef en matinée, les militants ont voté en faveur de propositions exigeant que les syndicats fassent preuve de plus de transparence. Les activités politiques des centrales ne devraient pas être défrayées à même les cotisations normales. Les résolutions forçant le dépôt des états financiers des cantals, l'obligation d'un vote secret avant l'accréditation et même la fin du monopole de l'UPA ont été adoptées rapidement, souvent sans débat.

Un militant, Mario Cotton, n'a pas caché sa surprise. «On a dit moins d'État pour mieux gérer, et on veut gérer dans les syndicats!».

«En 2003, on a commencé comme ça, adopté des affaires comme ça et le monde syndical s'est levé. Et on s'est fait planter. Si on veut arriver au pouvoir, il faut aussi être stratégique. On avait un bobo qui avait guéri depuis 2003 et on est en train de gratter la galle» a-t-il lancé.

«Les centrales syndicales nous sont opposées, elles le seront toujours, ce n'set pas le cas des syndiqués qui en grande part vont soutenir l'ADQ», a lancé Jean François Rheault, d'Arthabaska.