Les conditions de vie très difficiles des autochtones qui vivent sur le territoire couvert par l'ambitieux Plan Nord du gouvernement Charest ont des conséquences catastrophiques sur leur santé et leur équilibre psychologique. Le taux de suicide au Nunavik est 10 fois plus élevé que pour le Québec entier.

Et pour l'ensemble du territoire couvert par l'annonce enthousiaste de la semaine passée, le taux de suicide est le double de la moyenne québécoise. Obtenu par La Presse, le document intitulé La santé de la population des territoires du Plan Nord fait une lecture inquiétante de la santé publique dans la région - le document de juin 2010, préparé par le ministère de la Santé à l'intention des négociateurs du Plan Nord, n'avait pas été rendu public.

Un premier constat dramatique: les statistiques déplorables sur la santé et l'espérance de vie ne sont pas réservées aux communautés inuites de l'extrême nord de la province. À Mashteuiatsh, anciennement Pointe-Bleue, près de Roberval, le taux de suicide est presque aussi élevé avec 7,8 cas par 100 000 habitants contre 9,8 au Nunavik.

Trois habitants sur quatre sont fumeurs au Nunavik alors que le quart des Québécois fument encore dans l'ensemble. La moitié des Cris de la Baie-James sont fumeurs. De plus, 68% des Inuits du Nunavik ont une consommation importante d'alcool, trois fois plus que l'ensemble de la population québécoise. À la Baie-James, la moitié des habitants sont de grands buveurs.

Ce portrait inquiétant des habitudes de vie a un impact direct sur la santé publique.

Au Québec, l'espérance de vie est de 77,7 années pour un homme - elle n'est que de 63 ans pour un Inuit, et de 69 ans pour un habitant de Mashteuiatsh. Partout sur le territoire du Plan Nord, les hommes vivent moins longtemps qu'ailleurs au Québec. Même constat chez les femmes, qui vivent 82,8 années dans l'ensemble du Québec - l'espérance de vie n'est que de 68,8 ans au Nunavik.

Mortalité infantile

Le taux de mortalité infantile est aussi deux fois plus élevé sur le territoire du Nord que dans l'ensemble du Québec. Mais il est quatre fois plus élevé au Nunavik et à Mashteuiatsh, près de Roberval. Le taux de fécondité des jeunes filles de 15 à 19 ans est cinq fois plus élevé dans le Nord que dans l'ensemble du Québec. Une jeune fille au Nunavik ou une jeune Crie de la Baie-James court 10 fois plus de risques de devenir enceinte avant 19 ans que l'ensemble des adolescentes québécoises.

Dans le territoire du Plan Nord, la proportion de bébés prématurés est plus élevée que dans l'ensemble du Québec - 10,5% des naissances au Nunavik et en Basse-Côte-Nord, 3% de plus que la moyenne. Dans l'ensemble, on compte moins de bébés de faible poids, mais en Jamésie et en Basse-Côte-Nord, le pourcentage est un peu plus élevé que la moyenne québécoise.

Les maladies à déclaration obligatoire - essentiellement des maladies vénériennes - sont 54% plus fréquentes sur le territoire du Plan Nord. Au Nunavik, la proportion atteint le triple de la moyenne québécoise, chez les femmes.

En moyenne, les cas de cancer sont un peu plus nombreux sur le territoire du Nord qu'au Québec, mais cela cache une réalité bien différente. Au Nunavik et au Lac-Saint-Jean, la mortalité par cancer est deux fois plus importante que la moyenne québécoise. Si les problèmes circulatoires sont aussi fréquents qu'au Québec, ils entraînent toutefois beaucoup plus souvent la mort au Nunavik. Le taux de décès pour les maladies respiratoires est 50% plus élevé qu'au Québec sur l'ensemble du territoire nordique, mais il est 6 fois plus élevé au Nunavik et 3 fois plus élevé à Mashteuiatsh. On meurt six fois plus souvent des suites d'un accident au Nunavik qu'au Québec.

Pas moins de 51% des Cris de la Baie-James sont obèses, contre 16% dans l'ensemble du Québec. L'obésité frappe aussi 28% des gens du Nunavik. Seulement 6% des Québécois sont frappés par le diabète, c'est 3 fois moins que les Cris de la Baie-James. Quant à l'hypertension, elle est partout plus répandue qu'au Québec (16%). On atteint 24% à la Baie-James, 20% sur la Côte-Nord.

Logement

Le problème du logement, de la promiscuité et de la violence conjugale est chronique. Le nombre d'enfants n'y est pas étranger; au Québec, 15% des familles comptent 3 enfants ou plus, alors que 43% des familles du Nunavik et 39% des ménages cris de la Baie-James ont plus de 3 enfants.

Le Nunavik compte 42% de familles monoparentales, beaucoup plus que la moyenne du Québec, qui est de 28%. Une famille monoparentale sur quatre vit dans la pauvreté au Québec; c'est une sur deux chez les Cris de la Baie-James et une sur trois au Nunavik.

Au Québec, environ 8% des logements ont besoin de réparations majeures. Or, 36% des habitations au Nunavik et 31% des maisons cries nécessitent des travaux importants.

Au Nunavik et sur la Basse-Côte-Nord, la moitié des résidants de 25 à 64 ans n'ont aucun diplôme, et la proportion est presque identique à la Baie-James. On compte deux fois moins de diplômés universitaires sur ce territoire que dans l'ensemble du Québec.

Le taux de décrochage scolaire est aussi beaucoup plus élevé dans le Nord. En effet, 37% des jeunes Québécois n'ont aucun diplôme, mais 80% des Inuits et 73% des Cris de la Baie-James sont dans cette situation.