Depuis l'an 2000, Hydro-Québec a accordé des contrats d'informatique qui ont coûté près de 1 milliard de dollars. Près de 40% d'entre eux ont dépassé les budgets prévus, ce qui, «en moyenne», a fait doubler la facture attendue.

C'est ce qui se dégage d'une longue compilation de l'ensemble des contrats adjugés par la société d'État depuis le début de la décennie. Hydro-Québec a remis tous ces documents à la suite d'une motion en ce sens qu'avait fait adopter le Parti québécois à l'Assemblée nationale, en septembre 2010. Soumis dans l'ordre chronologique, les engagements prennent une couleur différente une fois répartis par secteur d'activité.

Pour l'informatique, 2011 contrats totalisent des engagements de 990 millions de dollars. Mais 761 contrats, soit 38%, ont dépassé le budget prévu. D'une valeur initiale de 369 millions au total, ils ont nécessité 391 millions de financement supplémentaire pour être réalisés. Quand un projet dépasse ses budgets du double, à Hydro-Québec, il est simplement «dans la moyenne» puisque les excédents sont en moyenne de 106%.

La très grande majorité des contrats rassemblés en informatique sont «négociés», c'est-à-dire qu'ils sont le résultat d'une entente de gré à gré entre le fournisseur et Hydro-Québec. Quelques-uns font l'objet d'un appel d'offres restreint à quelques fournisseurs, sur invitation.

Vérificateur général

Le Parti québécois, qui a réalisé cette compilation, voit dans cette situation «un renforcement de notre conviction de faire en sorte que le Vérificateur général puisse scruter les engagements d'Hydro-Québec», a dit le député Sylvain Gaudreault. Le PQ a déposé ce printemps un projet de loi en ce sens à l'Assemblée nationale, une initiative restée depuis lettre morte.

«Même les libéraux ne sont pas au courant de ces dépassements. Si l'Assemblée nationale n'avait pas ordonné à Hydro-Québec de divulguer ses contrats, on n'en saurait rien. Je ne comprends pas qu'on n'ait pas fait avancer notre projet de loi sur la vérification d'Hydro, que la ministre Nathalie Normandeau persiste à dire que c'est bien géré à Hydro-Québec», a ajouté M. Gaudreault.

La liste ne fait pas la distinction entre les contrats accordés avant et après l'arrivée au pouvoir des libéraux. «Pour moi, ce qui compte, c'est ce qu'on a maintenant devant les yeux, des dépassements inadmissibles qui font que le Vérificateur général devrait pouvoir aller chez Hydro-Québec», lance le député de Jonquière, critique de son parti pour les questions d'énergie.

En 2009, l'adéquiste Claude Garcia avait publié une étude sur le gaspillage à Hydro-Québec. «Ce que vous me dites ne me surprend pas du tout. À l'époque, un projet informatique pour la facturation devait coûter 270 millions. Je l'avais évalué à 600 millions. Hydro avait revu le chiffre à 480 millions, mais il ne fonctionne toujours pas au niveau attendu.»

La ministre responsable, Nathalie Normandeau, avait soutenu en mars que rien n'empêchait le Vérificateur de se pencher sur les décisions d'Hydro-Québec. Renaud Lachance avait rétorqué que le conseil d'administration de la Société devait d'abord accepter d'ouvrir ses livres. Or, le conseil a refusé. «Il me faut une entente avec le conseil d'administration et, en pratique, ça ne fonctionne pas», avait expliqué le vérificateur.

Variations d'une firmeà l'autre

Il y a énormément de variations d'une firme à l'autre. Ainsi, des 14 contrats accordés à MTS Allstream, 7 ont dépassé le budget initial: les contrats obtenus totalisaient 17 millions au départ; il a fallu ajouter 14 millions. Mais les mandats en dépassement valaient 1,5 million à l'origine. Il a fallu là prévoir 15 millions - multiplier par 10 ce qui était le contrat initial.

La firme LGS a vu 31 de ses 68 contrats dépasser les budgets, de 52% en moyenne. Les mandats en dépassement valaient 12 millions; il a fallu en ajouter 6,5. Au total, en 11 ans, LGS a réalisé pour 21 millions de contrats pour Hydro-Québec.

Fujitsu, qui a acheté DMR, a dépassé ses budgets dans 31 de ses 51 contrats, un excédent de 11,5 millions sur les 21 millions de contrats en dépassement. Au total, cette firme a obtenu pour 44 millions de contrats d'Hydro-Québec depuis 2000.

Bell Canada a obtenu 37 contrats, dont 11 ont dépassé les sommes prévues, des excédents de 40% en moyenne. R3D, entreprise très combative depuis 2003, a obtenu pour 23 millions de contrats de la société d'État. De ses 53 mandats, 25 ont dépassé les budgets - d'une valeur de 9 millions, ils ont nécessité 9,9 millions supplémentaires, un dépassement de 106%. Le géant IBM a eu 65 mandats, dont 19 ont défoncé les budgets. Ils devaient coûter 11 millions, il a fallu en ajouter 15, pour un dépassement moyen de 131%.

La part du lion est allée à CGI, qui a décroché pour 173 millions de contrats depuis 2000. Pas moins de 84 des 213 mandats qu'elle a eus sont allés au-delà des coûts prévus, en moyenne de 46%. Il a fallu ajouter 28 millions à des engagements fixés à l'origine à 60 millions.

D'autres firmes font littéralement exploser les coûts, mais pour des contrats moins importants. Solutions Vitrix a eu pour 10,8 millions de contrats - 12 mandats, dont 5 ont excédé les prévisions de... 659%. Ces 500 000$ d'engagements se sont soldés par des débours de 3,5 millions de dollars.

photo Jacques Boissinot, archives la presse canadienne

La très grande majorité des contrats rassemblés en informatique sont «négociés», c'est-à-dire qu'ils sont le résultat d'une entente de gré à gré entre le fournisseur et Hydro-Québec. Quelques-uns font l'objet d'un appel d'offres restreint à quelques fournisseurs, sur invitation.