Il faut indemniser les pétrolières et gazières dont les permis ont été révoqués dans le fleuve Saint-Laurent, a plaidé mardi Lucien Bouchard.

Le porte-parole de l'Association pétrolière et gazière du Québec (APGQ) commentait en commission parlementaire le projet de loi 18. Cette loi consacrera le moratoire permanent sur l'exploration et l'exploitation du pétrole et du gaz naturel dans l'estuaire du Saint-Laurent. Cette interdiction avait été annoncée en septembre dernier lors du dépôt de l'évaluation environnementale stratégique sur ce secteur.

Aucune compensation n'est offerte pour les 31 permis que s'y partageaient 9 entreprises. «Quand on révoque un droit ou qu'on l'exproprie, il faut l'assortir d'un mécanisme d'indemnisation», a réagi M. Bouchard. Mais le gouvernement a fermé la porte. «Nous n'avons pas l'intention d'indemniser l'industrie. C'est un choix politique que nous assumons totalement», a expliqué la ministre des Ressources naturelles, Nathalie Normandeau.

«Une question de principe»

Combien les entreprises pourraient réclamer? M. Bouchard refuse de s'avancer sur ce terrain. «On n'est pas à la question de la valeur. C'est une question de principe», a-t-il répondu. De son propre aveu, si ses clients contestent la loi devant les tribunaux, il est «loin d'être certain» qu'ils auront gain de cause. Car l'Assemblée nationale est souveraine pour adopter ses lois, a-t-il rappelé.

L'ancien premier ministre soutient qu'il serait dans l'intérêt du Québec d'indemniser ses clients. Car par cette loi, le Québec envoie un mauvais message aux investisseurs à l'international: il révoque parfois des permis sans compensation. «Ça peut décourager des investisseurs. Pourquoi est-ce qu'on se fait mal comme ça?», demande-t-il.

La cour du roi Pétaud

Amir Khadir a déchargé son barillet sur l'ancien premier ministre. Il a attaqué sa crédibilité et même sa moralité. «Beaucoup de gens, surtout des souverainistes, se sont désolés de vous voir passer comme représentant de l'industrie pétrolière et gazière», lui a-t-il lancé. Le député de Québec solidaire estime «inconcevable» qu'après avoir défendu les intérêts de la nation québécoise, M. Bouchard défende maintenant ceux d'une industrie qui chercherait à «spolier nos ressources naturelles».

M. Bouchard n'a pas particulièrement apprécié. «Est-ce que je suis ici pour subir les jugements moraux de ce monsieur?», s'est-il emporté. «Mais c'est absolument indigne, ça! Où est-ce qu'on est? C'est la cour du roi Pétaud», a-t-il ajouté, en référence à l'oeuvre de Rabelais.

«Je ne vous reconnais aucun droit de porter des jugements sur ma fidélité aux Québécois. Aucun droit. Il est en dehors de ses pompes, là, lui», a poursuivi M. Bouchard.

Il estime dans l'intérêt du Québec d'attirer les investisseurs. Ce qui équivaudrait à une «vision coloniale du développement», réplique M. Khadir. Le député de Mercier accuse M. Bouchard d'avoir préparé le démantèlement de la Société québécoise d'initiative pétrolière (SOQUIP) alors qu'il était au pouvoir. Instituée en 1969, la SOQUIP est devenue une coquille vide dans les années 2000. M. Bouchard assure que ce n'est pas le cas.