Ce n'est pas demain la veille que les femmes d'origine étrangère se verront interdire de porter le voile intégral au Québec.

Le projet de loi 94, censé interdire le port de la burqa et du niqab dans l'administration publique, a été déposé en mars 2010.

Or, 15 mois plus tard, et après des dizaines d'heures de discussion, les élus de l'Assemblée nationale n'en sont toujours rendus qu'à décortiquer l'article un.

L'étude du projet de loi controversé est donc au point mort et ses chances d'être adopté sont à l'avenant.

Malgré cela, selon ce qu'a appris La Presse Canadienne, le gouvernement n'a aucune intention de forcer l'adoption du projet de loi 94, en imposant le bâillon avant l'ajournement des travaux parlementaires, vendredi prochain.

Et le gouvernement n'a pas davantage l'intention de modifier son projet pour accélérer les choses, en cherchant à accommoder l'opposition péquiste dont les vues sur la question sont totalement différentes, pour ne pas dire divergentes.

L'analyse détaillée du projet de loi, qui compte une dizaine d'articles, devra donc se poursuivre en septembre, lors de la reprise des travaux.

«Il y a beaucoup de gens qui pensent qu'on l'a adopté. Ils vont être pas mal déçus quand ils vont voir qu'on n'a pas réussi», a dit la ministre de l'Immigration, Kathleen Weil, lors d'une entrevue à La Presse Canadienne.

Elle s'est montrée optimiste de voir les choses progresser à l'automne, malgré le «clivage énorme» qu'elle constate entre ses positions et celles défendues par les élus péquistes.

«Leur position est une rupture avec notre État de droits, avec notre histoire, avec notre vécu», a soutenu la ministre, se réclamant de la «neutralité» de l'État, dans le respect de l'expression des signes religieux.

Même si les positions des deux camps semblent irréconciliables, «le bâillon n'est jamais souhaitable», selon elle, pour forcer l'adoption d'un projet.

Dans la foulée de la commission Bouchard-Taylor et tout le débat sur les accommodements raisonnables, le premier ministre Jean Charest avait annoncé en mars 2010 que son gouvernement déposait un projet de loi pour clarifier les choses.

Le gouvernement cherchait surtout à calmer le jeu, à la suite d'une série d'incidents, dont celui impliquant une femme d'origine égyptienne qui avait préféré renoncer à suivre ses cours de français, plutôt que de retirer son niqab, comme on le lui demandait.

À portée restreinte, le projet de loi ne vise donc qu'à mieux encadrer les demandes d'accommodement et à fournir des balises aux employés de l'État confrontés à des situations où une cliente requiert un service dissimulée sous un vêtement qui ne permet pas de l'identifier.

Spécifiquement, le projet de loi 94 fait en sorte d'interdire le port du voile intégral - burqa et niqab - dans les bureaux du gouvernement du Québec, qu'on soit cliente ou employée.

L'esprit du projet de loi consiste à dire qu'au Québec toute personne qui donne ou reçoit un service de l'État doit le faire à visage découvert.

Mais «ce n'est pas à l'État de dicter le code vestimentaire des gens», dit la ministre, qui refuse d'aller plus loin dans les interdits.

L'interdiction du voile intégral serait étendue aux secteurs public et parapublic, incluant les réseaux de la santé et de l'éducation, ainsi que des organismes comme la SAAQ et la RAMQ.

De plus, tout accommodement serait subordonné à la Charte des droits et libertés, notamment au droit à l'égalité entre les femmes et les hommes.

«Notre projet de loi, il est équilibré, il est raisonnable, il reflète qui nous sommes», répète la ministre sur tous les tons depuis le dépôt du projet de loi. Elle n'envisage aucun changement majeur.

En ce domaine, tout oppose le gouvernement libéral et le PQ.

L'opposition péquiste met des bâtons dans les roues de Québec, car elle estime que le projet de loi ne va vraiment pas assez loin.

Partant du principe que l'État doit être officiellement laïque, le PQ revendique l'interdiction de tout signe religieux ostentatoire dans l'administration publique.

Au contraire, le gouvernement Charest prône une laïcité ouverte, qui laisse place à l'expression religieuse.