La crise au PQ se poursuit. Jean-Martin Aussant vient de démissionner du caucus péquiste. Il s'agit de la quatrième démission en moins de 24 heures. Et il demande à Pauline Marois de faire la même chose.

À la question : demandez-vous la démission de Mme Marois?, il a répondu : «Mon style n'est pas très langue-de-boisien. Donc, oui». «Je ne pense pas que Mme Marois est la femme que les gens veulent suivre pour fonder un pays», a-t-il justifié.

M. Aussant, député de Nicolet-Yamaska, siègera comme indépendant. Il était un des plus farouches opposants au projet de loi 204. Ce projet de loi parrainé par la péquiste Agnès Maltais vise à protéger des poursuites judiciaires l'entente entre Quebecor et la ville de Québec sur la gestion du nouveau Colisée. «Mais ce n'est pas l'amphithéâtre qui fait que je prends cette décision-là», a-t-il toutefois tenu à préciser.

M. Aussant était critique officiel en matière d'Économie, d'Institutions financières et de Commerce international. Il dit s'être lancé en politique en 2008 pour deux raisons : pour que le Québec devienne un pays, et pour faire de la politique «différemment» des libéraux en parlant «toujours vrai».

Dans les deux cas, il estime que c'est impossible à faire dans le PQ. Il affirme que Mme Marois pourrait peut-être faire «une bonne première ministre». Mais qu'elle ne pourrait pas gagner un référendum. Et M. Aussant explique ne pas s'être présenté en politique pour simplement gouverner une province. «C'est la souveraineté que je veux faire, moi. Et les choses sont mal alignées pour la faire en ce moment avec le Parti québécois », estime-t-il.

«Vieille politique»

M. Aussant estime aussi qu'il est impossible de faire de la politique différemment au sein du PQ. «Après trois ans d'efforts en ce sens, je dois malheureusement me rendre à l'évidence. Les personnes qui sont aux commandes, tous partis confondus, ne partagent pas cette vision des choses. Rien de surprenant de la part du gouvernement libéral et de ses députés qui semblent tristement dénués de sens critique et de capacité à se révolter contre l'inacceptable. Ce qui me déçoit par contre, c'est que la direction du parti qui est le mien semble avoir fait le choix d'offrir le même genre de politique que celle du gouvernement, comme si ça nous permettait de jouer à armes égales. C'est là que je ne m'y reconnais plus.»

Selon lui, Jean Charest est «l'ultime responsable» du «cynisme» ambiant. «M. Charest ne connaît rien d'autre dans la vie que de se faire élire. Il n'a rien fait d'autre dans sa vie», dénonce-t-il.

Mais il soutient que le PQ n'est pas obligé de jouer son jeu. Au contraire, les péquistes devraient «laver plus blanc que blanc». Ce qu'ils ne font pas, regrette-t-il. Selon lui, Mme Marois incarne une vieille façon de faire la politique, très partisane, qui déplaît aux plus jeunes et alimente le désabusement et le faible taux de participation. Un exemple : le ton plus agressif que constructif, selon lui, du PQ à la période des questions.

Est-ce naïf/utopique de vouloir faire politique autrement? «Les gens qui pensent comme ça sont ceux qui doivent partir» répond-il.

M. Aussant, habituellement réservé et cartésien, s'est montré plus émotif que ses trois collègues démissionnaires hier.  «Mes collègues et amis me manqueront beaucoup», a-t-il avoué, avant de retenir ses larmes. «À ceux qui sont tristes ou en colère, j'espère que le temps fera bien son travail et que ma démission s'avèrera utile pour la suite des choses, comme je le souhaite», a-t-il poursuivi.

Le PQ perd un député qui détenait une riche expérience dans le privé. Avant de se lancer en politique, M. Aussant a été vice-président de  Morgan Stanley Capital International à Londres (2003-2005) puis gestionnaire de portefeuille principal chez Investissements PSP (2005-2007). Il dit s'être lancé en politique par conviction, pas pour le pouvoir ou pour devenir ministre. « Je ne suis pas venu en politique pour avoir une limousine (de ministre). Si j'en voulais une, je serais resté dans le privé et je m'en serais acheté une.»

Marois jette du lest

Pendant ce temps, au caucus ce matin, on prévoyait que Pauline Marois jetterait du lest pour conserver l'appui d'une demi-douzaine de députés qui se préparaient à imiter leurs trois collègues démissionnaires.

Dans les premières minutes du caucus, vers 8h ce matin, on ne savait pas encore si elle permettrait le vote libre sur le projet de loi 204 sur l'amphithéâtre de Québec, ou encore si elle permettrait à ses députés de ne pas se présenter à l'Assemblée nationale au moment du vote.

Il y a finalement eu un affrontement avec Bernard Drainville, a appris Cyberpresse.

Quant à M. Aussant, il ne s'était pas présenté au caucus ce matin. Il était resté dans son bureau de l'Assemblée nationale. Une conférence de presse avait été annoncée pour 10h. Peu après cette annonce, vers 9h10, les députés Véronique Hivon et Alexandre Cloutier, qui étaient perçus comme des opposants au projet de loi 204, ont quitté le caucus de façon précipitée. Ils marchaient très vite et ont refusé de faire tout commentaire. Ils agissaient à titre d'émissaires pour convaincre M. Aussant de ne pas démissionner.

Malaise au caucus

À l'entrée du caucus, le choc de la démission hier de Lisette Lapointe, Louise Beaudoin et Pierre Curzi ébranlait encore leurs anciens collègues.

Yves-François Blanchet se disait «contrarié». « Le PQ est un parti d'idées, de passions et jusqu'à un certain point, d'amour-propre. Lorsqu'on milite, il faut accepter que la cause est plus importante que son amour propre», a-t-il lancé.

Craint-il d'autres départs? «Je souhaite vivement que non», a-t-il répondu.

M. Blanchet était un proche de M. Aussant. Les deux figuraient dans le quatuor ABCD pour la souveraineté. M. Aussant a expliqué que sa loyauté allait «d'abord à la souveraineté».

Avant le caucus, Bernard Drainville a dit ne pas comprendre la sévère description que faisaient hier les trois démissionnaires de Mme Marois. Il a toutefois indiqué que le PQ devait mieux mettre en valeur ses idées. Les Québécois n'entendraient que les critiques du PQ envers le gouvernement Charest au lieu de leur message positif. Il dit aussi que le PQ doit mieux mettre en valeur son équipe.