Le premier ministre Jean Charest a déclaré vendredi que son gouvernement adoptera en septembre une loi controversée pour légaliser un contrat octroyé sans appel d'offres par le maire de Québec, Régis Labeaume.

M. Charest a reconnu que le projet de loi 204, qui vise à empêcher les poursuites contre une entente sur la gestion d'un amphithéâtre, avait suscité des débats au sein même de son caucus.

Le premier ministre a cependant affirmé qu'à la reprise des travaux, en septembre, ses députés vont l'appuyer.

Le Parti québécois, qui a proposé le projet de loi privé à la demande de M. Labeaume, s'est déchiré sur la question.

Après la démission de quatre de ses députés cette semaine, la chef péquiste Pauline Marois a évoqué la possibilité de laisser aux membres de son caucus la liberté de voter pour ou contre la pièce législative.

Lors d'une conférence de presse où il dressait un bilan à l'occasion de l'ajournement estival des travaux parlementaires, M. Charest s'est montré confiant de pouvoir adopter la loi, affirmant que son caucus est uni sur la question.

«Chez nous, les gens sont du même avis, a-t-il dit. Nous appuyons la loi. On a eu nos discussions à l'intérieur de notre caucus comme nous avons l'habitude d'avoir nos discussions. Et les gens sont en appui à cette loi-là.»

Alors que M. Labeaume soutenait que le projet d'amphithéâtre tomberait à l'eau si la loi 204 n'était pas votée avant l'ajournement des travaux, vendredi, M. Charest a démontré qu'il ne partage pas les craintes du maire en reportant, cette semaine, le vote à septembre.

Le premier ministre a pris cette décision en constatant que le député de Québec solidaire, Amir Khadir, faisait de l'obstruction au projet de loi, retardant sa progression en commission parlementaire.

Avant de regagner sa circonscription pour la relâche estivale, M. Khadir a affirmé qu'il misait sur la division au sein des libéraux pour empêcher l'adoption du projet de loi 204.

«J'espère (...) qu'à l'intérieur du rang du parti des libéraux, il va se trouver quelques personnes avec la même culture politique de liberté et de démocratie, comme le Parti québécois, pour oser lever la voix puis cesser cette unanimité», a-t-il dit lors d'un point de presse.

M. Khadir s'est défendu d'être le seul artisan du report du projet de loi à l'automne, citant les réserves exprimées par certains députés péquistes ainsi que les démarches judiciaires entamées par un ancien directeur général de la Ville de Québec, Denis De Belleval, pour faire annuler l'entente de gestion proposée par le conglomérat Quebecor.

«Je représente un petit parti qui est accusé par tous les mots, y compris par les termes d'odieux, de faire capoter et tout ça, mais on assume, a-t-il affirmé. S'il y a des choses de principe, il faut être capable de temps en temps de l'assumer.»

M. Charest a réitéré son intention de modifier la Loi sur les cités et villes afin de tenir compte des doléances de M. Labeaume, qui s'est plaint du caractère trop restrictif du processus d'appel d'offres, ce qui l'a forcé à procéder autrement pour l'entente avec Quebecor, qui reste encore à finaliser.

Le maire a aussi soutenu que la Charte de sa municipalité lui permettait de procéder ainsi.

L'entente de principe prévoit aussi que la ville confiera la gestion de l'amphithéâtre à un organisme sans but lucratif (OSBL) désigné par Quebecor, dont l'entreprise sera le seul locataire. Une exception dans la loi prévoit justement qu'un appel d'offres n'est pas nécessaire lorsque la ville transige avec un OSBL.

Sans préciser exactement ce qui doit être revu pour empêcher la répétition d'autres situations aussi ambigües, M. Charest s'est engagé à des modifications législatives.

«On va également clarifier cette question-là, dans la loi, qui a besoin d'être clarifiée, pas juste pour Québec, pour tout le monde», a-t-il dit.

La Fédération québécoise des municipalités a dénoncé cette semaine l'incohérence du gouvernement qui, après avoir resserré les règles d'octroi de contrat, les modifierait pour Québec avec le projet de loi 204.

Le président de la FQM, Bernard Généreux, a affirmé que le gouvernement s'aventurait sur une pente savonneuse en persistant sur cette voix en septembre prochain.

Selon M. Généreux, la façon de procéder de M. Labeaume crée un malaise et nécessite un débat plus large sur l'utilisation des OSBL ainsi que sur la place du privé dans les infrastructures publiques.

«Je veux bien qu'on ait identifié une situation qui n'est pas claire au plan légal, mais si on règle pour Québec, il faudrait qu'on règle pour tout le monde, a-t-il dit lors d'une entrevue. Je pense que le débat risque d'être encore très compliqué.»