Jacques Parizeau s'explique mal la lettre de 12 relativement jeunes députés péquistes, qui lui demandent à mots couverts de prendre moins de place dans le débat public.

«Je trouve ça un peu étrange», a-t-il réagi samedi après-midi en marge du colloque annuel des Intellectuels pour la souveraineté du Québec (IPSO).

La lettre est intitulée «Monsieur Parizeau, faites-nous confiance». Elle est cosignée par 12 des plus jeunes députés du Parti québécois (Pascal Bérubé, Étienne-Alexis Boucher, Benoit Charette, Alexandre Cloutier, Sylvain Gaudreault, Nicolas Girard, Véronique Hivon, Martine Ouellet, François Rebello, Mathieu Traversy, Guillaume Tremblay et Dave Turcotte). Pauline Marois a avoué avoir été consultée avant l'envoi.

«Nous sommes la nouvelle génération de députés souverainistes. Malheureusement, bien des Québécois ne nous connaissent pas ou ne le savent pas, car les médias se tournent régulièrement vers d'anciens porte-étendards souverainistes pour commenter l'actualité politique», se désolent-ils.

L'ancien premier ministre se dit «un peu surpris». «Je ne commente pas les dossiers depuis longtemps. Ça fait longtemps que je ne donne plus d'interviews, que je ne fais plus de points de presse», a-t-il expliqué. Pense-t-il qu'on lui demande de se taire? «Sur ce plan, c'est clair qu'il y a une intention, mais elle est tellement gentiment formulée», a-t-il affirmé en riant.

Pour le reste, il préfère répondre avec sa plume. «Je vais publier lundi une réponse aussi respectueuse que la leur.»

Les IPSO décernaient samedi le tout premier prix Jacques-Parizeau. Le sociologue émérite Guy Rocher, sous-ministre de Camille Laurin lors de l'adoption de la Loi 101, a mérité l'honneur.

M. Parizeau a prononcé l'allocution de clôture. Il parlait publiquement pour la première fois depuis que quatre députés -dont sa conjointe Lisette Lapointe- ont démissionné cette semaine du caucus du PQ.

Il a évité de prononcer le nom de Pauline Marois ou de faire référence directement à la crise qui secoue son parti. Mais il a sévèrement critiqué la tiédeur, selon lui, du discours souverainiste actuel du PQ.  

Le contenu de la souveraineté est aujourd'hui «dilué», dénonce-t-il. «On l'agite devant les militants, mais il n'en reste plus beaucoup de contenu.» Cela expliquerait pourquoi les Québécois estiment que la souveraineté est «souhaitable», mais «pas réalisable».

«On va se coucher sous la table dès qu'on parle de référendum! Les gens se disent: qu'est-ce que vous voulez faire? Ne pensez pas que le public ne voit pas ça», a-t-il lancé devant un des militants réunis à la Chapelle historique du Bon-Pasteur à Montréal.

Il rappelle qu'avant le référendum de 1995, le PQ avait passé quatre années à mobiliser les souverainistes. Un travail qui selon lui ne se fait pas assez à l'heure actuelle. Il aimerait que le PQ refasse des états généraux sur la souveraineté, ou un exercice similaire. Cela permettrait d'apporter de nouvelles idées. «Vous n'avez pas idée de ce qu'on a pu trouver comme ressources intellectuelles à l'extérieur de notre députation, avec toutes ses études.»

Il manquerait aujourd'hui de telles initiatives. Le seul exemple du genre qu'il a salué: celui de la démissionnaire Louise Beaudoin, qui a convaincu le Parti socialiste de France de revenir à la position historique face au Québec, celle du «ni-ni» (ni-indifférence, ni-ingérence). Cette position avait été adoptée par Alain Peyrefitte en 1997. Nicolas Sarkozy l'a rejetée lorsqu'il a accédé à la présidence.

Ironiquement, M. Parizeau a cité une étude de François Legault sur les finances publiques du Québec souverain. L'ex-ministre péquiste y calculait qu'un Québec souverain économiserait 17 milliards $ en cinq. M. Legault, on le sait, propose maintenant de mettre la souveraineté en veilleuse et de lancer un nouveau parti. Un parti qui mène dans les intentions de vote avant même sa naissance.

M. Parizeau n'a pas voulu commenter. «Je regarde les sondages en me disant: on regardera le suivant. Je n'ai pas de commentaire à faire. C'est trop fluctuant», a-t-il justifié.

Le député Yves-François Blanchet assistait au colloque. Il ne juge pas que M. Parizeau a critiqué sévèrement sa chef. «Dans le pire scénario, si c'était une attaque, elle était fort indirecte», a-t-il réagi. Il considère plutôt que l'ancien premier ministre a offert «un bon coup de pied au cul» des péquistes pour parler davantage de souveraineté. «Si M. Parizeau me dit d'en parler plus, je vais en parler plus. Je considère cela comme une bienveillante remontrance, et je la reçois très bien.»

Il rappelle toutefois que c'est seulement après le référendum qu'on avait appris le travail de préparation fait par M. Parizeau. Pour des raisons stratégiques, il n'en parlait pas ouvertement. Et selon M. Blanchet, le PQ continue de travailler de cette façon.

Le député de Drummond dit s'être lancé en politique en 1987 «dans le but de militer avec M. Parizeau». «C'est normal qu'on se tourne encore vers M. Parizeau. Il est l'emblème par excellence de la souveraineté, il est le porte-étendard dont les jeunes rêvent», a-t-il avancé.

Changer l'entourage de Mme Marois?

En marge du colloque des IPSO, Lisette Lapointe a répété que l'entourage de Pauline Marois pose problème. «C'est fondamental qu'il y ait quelqu'un dans l'entourage de la chef dont le rôle soit de parler aux députés. De leur dire: regardez, on cogite à une telle chose, qu'en pensez-vous?», a-t-elle lancé.

Dans les derniers jours, plusieurs ont critiqué la chef de cabinet de Pauline Marois, Nicole Stafford, qui serait trop autoritaire. Mme Lapointe rappelle que c'est dans les médias qu'elle a appris que son parti parrainait le projet de loi privée 204 du maire de Québec, Régis Labeaume.

Celle qui était la doyenne du caucus péquiste assure que les jeunes devraient avoir plus de visibilité. «Mais oui! Tous les députés devraient avoir leur place», assure-t-elle. «On ne peut pas toujours avoir les mêmes figures en avant. On est mieux de donner la parole à plus de gens.» Mais elle ne croit pas que c'était son mari qui lui prenait cette place.