Les démissions se suivent, mais ne se ressemblent pas au Parti québécois. Le député Benoit Charette claque la porte parce que Pauline Marois refuse de mettre de côté la tenue d'un référendum sur la souveraineté dans son premier mandat. Il est séduit par les idées de son ami François Legault, mais il ne se joint pas à sa coalition pour le moment.



C'est la cinquième démission en deux semaines au PQ. Elle survient à la veille d'une réunion des députés de Pauline Marois dans la région de Québec, aujourd'hui. La chef n'a pas voulu faire de commentaires.

En conférence de presse, le député de Deux-Montagnes a reproché au PQ de n'être «d'aucune façon en phase avec la population lorsqu'il refuse de lever l'hypothèque référendaire, pour un premier mandat à tout le moins».

L'engagement de tenir un référendum «au moment jugé approprié» est une «épée de Damoclès» au-dessus de la tête du PQ. Il «compromet ses chances de se faire élire», estime l'élu de 34 ans.

Selon lui, l'appui à la souveraineté - à plus de 40% selon les sondages - n'est pas «le fruit d'une sincère adhésion au programme du Parti québécois et à son projet». M. Charette serait «surpris» que plus de 20% des Québécois pensent que la réalisation de la souveraineté est une «priorité». Il se dit également «convaincu que plusieurs souverainistes ne pensent pas que la souveraineté soit possible et souhaitable dans un avenir immédiat».

«Lorsque j'entends des collègues et d'ex-collègues dire qu'il faut accélérer le pas vers le référendum, je ne peux que penser qu'ils compromettent le projet même de souveraineté, a-t-il affirmé. Un troisième échec référendaire serait fatal à la cause souverainiste, et le peuple québécois ne semble manifestement pas prêt et désireux de vivre ce troisième référendum.»

Du reste, la «gouvernance souverainiste» proposée par Pauline Marois est déficiente, selon lui. Laisser planer une «menace de référendum [...] ne crée pas les conditions gagnantes pour de véritables négociations de bonne foi» avec Ottawa en vue d'obtenir plus de pouvoirs, a-t-il expliqué.

Un gouvernement péquiste, selon M. Charette, devrait faire la promotion de la souveraineté durant son premier mandat pour en faire un enjeu central aux élections suivantes. Il a proposé en vain à Pauline Marois de s'engager à ne pas tenir un référendum dans un premier mandat. «On m'a systématiquement répondu que jamais le Parti québécois n'avait pris pareil engagement. J'en conviens, mais je crois que le parti ne peut pas poser meilleur geste afin de démontrer à la population qu'il est à son écoute», a-t-il plaidé. Incapable de «réformer le parti sur cette base», il a décidé de le quitter «sans amertume aucune».

Benoit Charette a souligné que sa démission est «le fruit d'une longue réflexion». Il a dit à des collègues en mars qu'il songeait à partir. Il a martelé que sa défection n'avait aucun lien avec celle des députés Lisette Lapointe, Louise Beaudoin, Pierre Curzi et Jean-Martin Aussant, dont il estime que, pressés de réaliser la souveraineté, ils «ont fait les mauvais constats et posé le mauvais diagnostic».

Le député a fait valoir que, depuis 15 ans, le PQ «génère toujours moins d'appuis, élection après élection» - il a récolté 600 000 votes de moins en 2008 qu'en 1994. «Le manque d'enthousiasme que l'on constate aujourd'hui n'est pas le fruit de la conjoncture. Pauline Marois n'y est strictement pour rien.» Un nouveau chef, estime-t-il, serait aux prises avec le même «manque d'appétit de l'électorat pour la question nationale».

Avec François Legault?

M. Charette estime qu'une «trêve référendaire» est d'autant plus souhaitable que le Québec est placé devant des défis «d'une importance capitale pour son avenir». Il est donc tenté de sauter dans le train de François Legault. «L'idée de rassembler des individus sur une base différente de la question nationale me plaît particulièrement», a-t-il dit, avant d'ajouter qu'il ne se sent pas prêt à s'engager maintenant dans la coalition.

Il a eu des «rencontres d'amitié» avec l'ancien ministre péquiste au cours des derniers mois. Il a tenu à faire part de sa démission par courriel, le week-end dernier, à l'un des collaborateurs de M. Legault, Martin Koskinen. Il n'a informé Mme Marois de sa décision que lundi.

Benoit Charette attend que la Coalition pour l'avenir du Québec présente son plan d'action avant de prendre une décision, mais il a multiplié mardi les signaux laissant croire qu'il s'y joindra. Les citoyens sont «toujours plus nombreux à m'encourager à explorer cette voie, qui permettrait de fédérer les forces vives du Québec sur une nouvelle base», a-t-il souligné. Ce père de trois enfants, élu la première fois en 2008, siégera dorénavant comme indépendant. Il ne s'est pas engagé à terminer son mandat.

«Il n'y a pas de deal entre nous et M. Charette», a dit de son côté Martin Koskinen.

Ironiquement, Benoit Charette est l'un des 12 députés nés après 1968 qui, dans une lettre ouverte, la semaine dernière, ont demandé à Jacques Parizeau de leur «faire confiance» pour l'avenir du parti et du pays. Il a expliqué qu'il avait signé la lettre «par solidarité» et pour ne pas éveiller les soupçons sur son avenir politique.

Le président du PQ, Raymond Archambault, s'est dit «surpris» de la sortie de M. Charette. Il ne l'a «jamais entendu dire», aux diverses instances, que le PQ devrait s'engager à ne pas tenir un référendum. «On vient de se doter d'un programme il y a deux mois pour dire qu'il y aura un référendum au moment jugé approprié. C'est une position prudente et sage», a dit M. Archambault. Celui-ci assure qu'il y a un «appétit» pour la souveraineté dans la population.

Avec le départ de M. Charette, «on voit plus clair dans le jeu» de François Legault, qui «rôde activement dans le 450», a-t-il noté. M. Archambault reconnaît que «la crise est importante», qu'il y a «de l'inquiétude et de l'incompréhension» chez les militants.