Les électeurs de Borduas ont peut-être voté pour un député péquiste, mais environ 300 d'entre eux sont venus applaudir mardi soir la décision de Pierre Curzi de quitter le Parti québécois. Assurant ne pas en être à créer son propre parti, celui-ci souhaite toutefois la création d'une «coalition des forces indépendantistes».

«Il n'y aura pas création d'un nouveau parti ce soir mais, oui, je souhaite personnellement une coalition de toutes les forces indépendantistes du Québec», a lancé d'entrée de jeu Pierre Curzi aux personnes venues l'entendre mardi soir à Otterburn Park, au coeur de sa circonscription de Borduas.

Disant vouloir remettre l'indépendance du Québec au premier-plan, M. Curzi a fermé la porte à l'idée de rejoindre François Legault, qui propose de mettre de côté la question souverainiste pour l'instant.

Une idée également repoussée par Lisette Lapointe et Louise Beaudoin, deux autres démissionnaires du 6 juin présentes à l'assemblée d'hier soir. «Je suis souverainiste de coeur. François Legault dit qu'on parlera de souveraineté plus tard. Non, je n'adhérerai pas, c'est certain», a assuré Mme Lapointe. «Contrairement à François Legault et Benoit Charette, pour nous, la question nationale est là, elle se pose», a pour sa part indiqué Louise Beaudoin.

Du reste, Pierre Curzi et ses collègues se donnent l'été pour réfléchir ensemble à leur avenir et disent vouloir laisser toutes les autres portes ouvertes. Le député de Borduas s'est d'ailleurs décrit comme «une proie intéressante» pour Québec solidaire. Et malgré son départ fracassant du Parti québécois, l'homme estime que la formation peut encore être réformée de l'intérieur.

«Il y a eu un tel choc par nos démissions que, oui, on a créé un espace de réflexion et d'action. Il y a des gens qui vont pouvoir profiter de cet espace», a-t-il indiqué en point de presse. M. Curzi ne ferme d'ailleurs pas la porte à l'idée de réintégrer le parti si celui-ci devait changer, disant toutefois qu'il est trop tôt pour l'envisager. «Je n'exclus rien nulle part, mais c'est prématuré.»

Il reste toutefois profondément amer de l'épisode du projet de loi 204 qu'a parrainé le PQ pour protéger le contrat de gestion de l'amphithéâtre de la capitale entre la Ville de Québec et Quebecor. «Un citoyen a parfaitement le droit de poser des questions sur la légitimité d'un contrat», a martelé Pierre Curzi, prenant soin de préciser qu'il ne s'opposait pas au retour des Nordiques ni même à la construction du bâtiment de 400 millions de dollars.

«La crise est grave»

L'assemblée tenue par Pierre Curzi venait clore, hier soir, une autre journée mouvementée pour le Parti québécois marquée par la démission d'un cinquième député en deux semaines, Benoit Charette dans Deux-Montagnes, et l'exclusion d'un autre, René Gauvreau dans Groulx. Le président du conseil exécutif du Parti québécois, Raymond Archambault, a reconnu l'ampleur de la crise qui frappe les troupes de Pauline Marois, en entrevue à Radio-Canada, mardi soir. «J'accepte le verdict : la crise est grave, c'est certain.»

Disant que le parti traverse une tempête, M. Archambault compte profiter de la réunion extraordinaire du caucus prévue aujourd'hui à Duchesnay pour inviter les troupes à se serrer les coudes et mettre fin à l'hémorragie. «Soyons unis, restons ensemble. C'est la seule façon pour faire triompher nos idées», entend-il plaider.

Mais voilà, les démissionnaires du 6 juin jugent que ces déchirements sont dus à la mise en veilleuse de la souveraineté au sein du parti. «Quand le projet de souveraineté n'est pas clair, on ne peut pas tenir ensemble des gens qui ont des horizons politiques très différents. Des gens de gauche, de droite, de centre, des sociaux-démocrates. On ne peut pas les tenir ensemble s'il n'y a pas de projet de pays», a dit M. Archambault.

Plusieurs personnes venues écouter Pierre Curzi mardi soir ont d'ailleurs milité pour la création d'un parti davantage consacré à la souveraineté. «Je veux du changement. Ça fait longtemps que je suis séparatiste, je veux l'indépendance du Québec. S'il (Curzi) me propose ça, je suis avec lui», a dit Serge Forget, qui verrait bien son député prendre la tête d'un tel parti et réaliser son rêve d'indépendance. «S'il fonde un parti pour l'indépendance, je suis prêt à embarquer.»