Les Québécois ont besoin d'un grand projet rassembleur, sur le plan politique, selon le premier ministre Jean Charest. Sinon, c'est tout l'échiquier politique qui s'en trouvera fractionné entre plusieurs partis.

Un projet commun constitue donc, à ses yeux, le meilleur antidote à la multiplication des partis politiques, une tendance lourde qu'on observe autant au Québec que partout dans le monde, a-t-il soutenu vendredi, en point de presse, au terme d'une mission de cinq jours en Europe visant à promouvoir son Plan Nord.

Il s'agissait d'une mission d'exploration, qui n'a donné lieu à aucune annonce d'investissement.

Le traditionnel bipartisme est vraiment chose du passé au Québec, avec l'avènement de l'Action démocratique, plus récemment de Québec solidaire, prochainement d'un nouveau parti issu de la coalition dirigée par François Legault, et possiblement d'un nouveau parti souverainiste.

Dans le cas du Québec, le projet commun proposé par Jean Charest pour faire échec au multipartisme s'appelle Plan Nord.

Après avoir qualifié l'année 2010 d'«annus horribilis», M. Charest juge que son gouvernement est reparti sur la bonne voie en 2011 avec son discours inaugural, le dernier budget et l'annonce de ce mégaprojet du développement du Grand-Nord sur 25 ans.

«Les Québécois aiment bien avoir un projet devant eux», a dit M. Charest, après avoir pris le petit-déjeuner traditionnel- arrosé de bière - avec le ministre-président de la Bavière, Horst Seehofer.

«On est ce genre de société qui a besoin de projets, besoin d'une vision, et le Plan Nord vient s'inscrire dans cette tradition que nous avons au Québec», selon lui.

Il observe que la multiplication des partis politiques, avec, à la clé, des gouvernements fragiles, est un phénomène mondial.

«Il y a un questionnement. On le voit en France, en Allemagne. On voit ça en Belgique (sans gouvernement depuis un an), à Londres, où il y a un gouvernement de coalition», a-t-il dit, attribuant ce phénomène aux bouleversements économiques et politiques qui ont marqué les dernières années.

«Ca me ramène à l'essentiel en politique. J'en reviens convaincu plus que jamais qu'il nous faut un projet au Québec», a-t-il ajouté, en profitant de l'occasion pour décocher quelques flèches à ses adversaires actuels et potentiels.

«Je m'attends juste à ce que nos adversaires s'obligent aux mêmes devoirs que nous, c'est-à-dire de proposer des choses et de répondre aux mêmes questions auxquelles nous nous devons répondre», a-t-il commenté, réclamant les mêmes règles du jeu pour tous.

Il a constaté que le contexte politique québécois était en mouvance constante et qu'il était, dans ce contexte, bien difficile de prédire de quoi aura l'air le Québec politique de demain.

«Les choses changent et peuvent changer encore 20 fois d'ici les deux prochaines années, tellement la politique, aujourd'hui, va rapidement», a-t-il dit, dans une suite de commentaires à saveur clairement pré-électorale.

Après une année très difficile, en 2010, marquée notamment par diverses allégations de favoritisme et une chute marquée dans les sondages, il dit avoir gagné «en maturité et en expérience», ce qui lui a permis d'«aborder la politique différemment».

«Il faut être capable de faire la différence entre l'actualité et l'avenir du Québec. Ce sont des nuances qu'un premier ministre apprend à faire», a-t-il ajouté, philosophe.

Pour éviter les faux pas et les critiques, son gouvernement prépare mieux les dossiers, a-t-il indiqué, citant en exemple son Plan Nord, qui a connu une gestation de deux ans avant d'être annoncé.

Après une mission qui l'a conduit, en cinq jours, de Londres à Bruxelles, Francfort et Munich, avec un horaire extrêmement chargé, le premier ministre a pris la route du Québec, vendredi, pour être à Montréal à temps pour accueillir le couple royal en visite au Canada.

Samedi, il accompagnera le duc et la duchesse de Cambridge, William et Kate, à l'Hôpital Sainte-Justine et à l'Institut de tourisme et d'hôtellerie, puis, il sera de la cérémonie tenue dimanche midi à l'Hôtel de Ville de Québec.

«On compte les recevoir avec beaucoup de chaleur», a commenté M. Charest, qui ne s'est pas montré inquiet de l'impact sur l'image du Québec à l'étranger, à la suite de possibles manifestations antimonarchiques.

Il a dit que les manifestants avaient le droit de s'exprimer, pourvu «que les gens s'expriment dans le respect».