Le Wapikoni mobile a de l'eau dans le gaz. La survie de ce studio ambulant de formation et de création audiovisuelles et musicales destiné aux jeunes autochtones est menacée par l'abolition annoncée d'une subvention fédérale de 490 000 $, a révélé le journal Le Devoir dans son édition du lundi.

La fondatrice et directrice générale de cet organisme à but non lucratif, Manon Barbeau, a été sidérée d'apprendre la nouvelle, qui est tombée il y a environ trois semaines, d'autant plus que le renouvellement de la demande de subvention ne semblait être qu'une simple formalité.

Depuis sept ans, les roulottes du Wapikoni mobile sillonnent les routes forestières. Les véhicules se sont arrêtés dans 18 communautés autochtones - anglophones et francophones - de sept nations différentes. Les 2000 jeunes qui ont embarqué ont réalisé quelque 450 films qui leur ont valu 44 prix à l'échelle nationale et internationale.

L'efficacité du projet était saluée par tous ceux qui le connaissaient chez Service Canada, l'organisme gouvernemental qui finançait l'aventure Wapikoni mobile, a soutenu Mme Barbeau lors d'une entrevue avec La Presse Canadienne.

«Cette année, ils nous avaient même recommandé de faire une demande (de subvention) pour trois ans puisque nous avions fait nos preuves», a-t-elle relaté.

Selon Mme Barbeau, la décision émane de la sous-ministre des Ressources humaines et du Développement des compétences (RHDCC), Joanne Lamothe. Cette réponse négative n'est pas tributaire, à son avis, d'une idéologie politique conservatrice, mais plutôt d'une «méconnaissance totale de la réalité autochtone».

«Les jeunes sont en train de réaliser un patrimoine culturel unique au monde. Quatre cent cinquante films qui parlent de leur réalité de façon contemporaine d'une seule et même voix, ce n'est pas rien», a-t-elle fait valoir.

Tout semblait pourtant aller comme sur des roulettes pour le Wapikoni mobile, qui venait de se doter d'une nouvelle roulotte financée par le ministère provincial de la Culture.

Et à moins que Service Canada, qui relève du ministère des RHDCC, ne revienne sur sa décision, ce rutilant bolide restera, comme les deux autres véhicules, dans le stationnement de l'Office national du film (ONF), à Montréal.

Manon Barbeau en appelle donc à la ministre Diane Finley, qui est responsable du dossier. Elle l'exhorte de se pencher de nouveau sur la question «en pleine connaissance de cause, non seulement de l'impact du Wapikoni, mais aussi de la réalité très particulière des Premières Nations».

«On ne peut pas attendre des résultats aussi rapidement pour les Premières Nations que pour des communautés urbaines», a-t-elle relativisé.

«Les jeunes qui participent sont à haut risque de décrocher de l'école et de devenir chômeurs, a-t-elle rappelé. On veut les faire raccrocher, et ça, tout le monde a compris ça jusqu'à maintenant. Mais là, (les règles d'admissibilité) sont devenues tout à coup, après les élections, extrêmement strictes.»

Déjà, le député néo-démocrate Roméo Saganash, un ardent défenseur du Wapikoni mobile, qui parcourt les routes de sa circonscription d'Abitibi-Baie-James-Nunavik-Eeyou, s'est porté à la défense du projet. Le ministre provincial des Affaires autochtones, Geoffrey Kelly, se serait également impliqué dans le dossier, selon Mme Barbeau.

«Il y a des choses qui bougent, mais là, on dirait que ça s'accélère. J'espère que cela va porter fruit», a laissé tomber Mme Barbeau.

Du côté du ministère des RHDCC, personne n'était disponible pour commenter le dossier lundi après-midi.

Dans un courriel laconique envoyé en fin de journée à La Presse Canadienne, le bureau des relations avec les médias du ministère a indiqué que «RHDCC n'a pas retenu le projet de Wapikoni comme bénéficiaire d'un financement (...) puisque d'autres projets répondaient mieux à l'objectif du programme, c'est-à-dire amener les jeunes à acquérir la vaste gamme de compétences et d'expérience de travail nécessaire pour participer au marché du travail».