Le ministère des Transports du Québec doit faire preuve de discernement lorsqu'il veut disqualifier un entrepreneur au motif qu'il ne respecte pas sa politique anticollusion.

Le juge Michel Girouard, de la Cour supérieure, vient de donner raison au consortium Genivar/Dessau, qui poursuivait le gouvernement après avoir été exclu d'un important appel d'offres, en mars. Selon le juge, le consortium n'aurait pas dû être disqualifié et sa soumission doit donc être déclarée conforme et être évaluée par le comité de sélection du ministère des Transports.

L'appel d'offres concerne la préparation des plans et la surveillance du chantier de la voie de contournement nord de Rouyn-Noranda. Les travaux globaux sont estimés à plus de 70 millions de dollars.

Essentiellement, le ministère des Transports avait disqualifié Genivar/Dessau parce que le consortium n'avait pas indiqué, dans son appel d'offres, avoir eu des contacts avec un autre soumissionnaire dans ce projet, le Groupe Stavibel. Le Ministère jugeait que cette omission contrevenait à la nouvelle disposition de la loi concernant «l'Attestation relative à l'absence de collusion».

L'appel d'offres a été remporté par Stavibel et son partenaire, seul autre groupe en lice. Stavibel avait indiqué dans sa soumission avoir eu des discussions avec Dessau, contrairement à cette dernière.

Or, le juge estime que le type de communications entre les deux parties a été «sans réelle portée» et «n'a pas à être dénoncé dans l'attestation». Et même si les communications auraient dû être rapportées, le juge estime qu'il «ne s'agissait pas d'une fausse déclaration ou d'une déclaration inexacte sur un point important».

Contacts avec Stavibel

Essentiellement, le représentant de Stavibel, Gilles Marcotte, avait laissé des messages téléphoniques à deux des principaux dirigeants de Dessau pour savoir si leur entreprise était disposée à former un consortium pour le projet. Le lendemain, les dirigeants de Dessau l'ont rappelé pour lui dire qu'ils n'étaient pas intéressés parce que Dessau avait déjà formé un consortium avec Genivar. Quelques jours plus tard, Stavibel s'entendait avec Consultants Aecom pour présenter une offre conjointe.

Le juge rappelle qu'une soumission peut être jugée non conforme si elle comporte une déclaration inexacte «sur un point important». Or, la preuve ne démontre pas qu'il s'agit d'un point important. Elle révèle plutôt qu'il y a eu absence de discussions en raison du manque d'intérêt de l'autre partie qui a été jointe. D'ailleurs, explique le juge, le représentant du Ministère n'a posé aucune question sur le contenu des conversations.

Retour au comité de sélection

Le juge réclame donc du ministère des Transports qu'il soumette l'offre de Genivar/Dessau à son comité de sélection. Conséquemment, le consortium peut encore gagner le contrat si le comité lui accorde une note plus élevée que celle donnée à Stavibel-Aecom (74,6%).

«Mes clients sont extrêmement satisfaits du résultat. Il faut maintenant attendre pour voir si le gouvernement ira en appel», a déclaré l'avocat Sébastien Richemont, qui représente Genivar et Dessau.

Le ministère des Transports procède à l'analyse du dossier et ne veut pas commenter l'affaire. Il a jusqu'au 19 août pour porter la cause en appel. Les travaux de la voie de contournement nord à Rouyn-Noranda n'ont pas commencé, le gouvernement attendant la décision des tribunaux avant d'aller de l'avant.

Dessau et Genivar ne sont pas les seules entreprises à avoir contesté la disposition anticollusion du gouvernement. La firme Concordia Construction, de Montréal, a aussi intenté une poursuite contre le gouvernement, en juin, après avoir été exclue d'un appel d'offres pour avoir omis d'indiquer les communications qu'elle a eues avec un concurrent. La soumission visait la réfection d'un pont à Cowansville, une opération de plus de 2 millions de dollars.

Concordia soutient dans sa requête qu'elle a effectivement communiqué avec la firme DJL, mais pour l'inviter à faire partie de ses fournisseurs pour la réfection du pont, ce que DJL a accepté. «À ce moment-là, Concordia ne savait pas que DJL avait l'intention de déposer une soumission à titre d'entrepreneur général aux fins du projet.» La cause est pendante.