Coup dur pour Jean Charest. Le numéro 2 de son gouvernement, Nathalie Normandeau, a démissionné mardi.

«Ne cherchez pas de motivations autres que celles où j'aspire à un peu de repos, de stabilité, un peu de sérénité dans ma vie personnelle», a dit aux journalistes la vice-première-ministre et titulaire des Ressources naturelles. Elle dit quitter la vie politique «sans amertume», «avec sérénité».

«Après 13 ans de travail comme députée et 8 ans comme ministre, j'estime qu'il est temps de passer le flambeau», a fait valoir Mme Normandeau, élue pour la première fois dans Bonaventure, en Gaspésie, en 1998.

Elle a souligné que la vie politique est «exigeante» et «commande de nombreux sacrifices». Elle en a assez de «vivre dans les valises», entre la Gaspésie et Québec.

Elle dit avoir «un immense besoin de faire autre chose, de relever de nouveaux défis». Quel genre de défis? «Je vais prendre un peu de temps pour moi, et on verra ce que l'avenir va me réserver», s'est-elle contentée de répondre.

La Presse a révélé le printemps dernier la relation amoureuse de Mme Normandeau avec l'ex-chef du SPVM, Yvan Delorme. Rappelons que les liens entre M. Delorme et le patron de l'agence de sécurité BCIA, Luigi Corretti, faisaient les manchettes. Le PQ avait alors laissé entendre que Mme Normandeau devait quitter le Conseil des ministres.

Nathalie Normandeau, âgée de 43 ans, a montré des signes de fatigue dernièrement. En juillet, elle a souffert d'un malaise lors de funérailles militaires en Gaspésie.

Elle avait déjà confié à des proches son intention de ne pas se présenter aux prochaines élections générales. Sa décision de précipiter son départ résulte d'une «longue réflexion», a-t-elle martelé. Elle avait fait part de sa réflexion à Jean Charest «il y a quelques semaines». «Je l'avais assurée de mon appui, peu importe la décision qu'elle prendrait», a noté le premier ministre, qui l'accompagnait en conférence de presse. Il s'est dit «attristé» de perdre «une personne d'exception qui a la politique dans le sang».

Nathalie Normandeau est rapidement devenue la femme de confiance de M. Charest, qui l'avait lui-même recrutée en 1998. Elle était considérée comme son successeur potentiel à la tête du PLQ. Elle est issue du sérail libéral: elle a travaillé au cabinet du premier ministre Robert Bourassa de 1988 à 1992. Elle est ensuite devenue mairesse de son village natal, Maria, en Gaspésie, de 1995 à 1998.

Après quatre ans dans l'opposition, Nathalie Normandeau a accédé au saint des saints à titre de ministre déléguée au Développement régional et au Tourisme dès l'arrivée au pouvoir des libéraux, en 2003. Elle a pris du galon en 2005 en passant aux Affaires municipales. Jean Charest l'a choisie comme vice-première-ministre trois ans plus tard. En 2009, il lui a confié les Ressources naturelles et - autre marque de confiance - la mise en oeuvre du Plan Nord.

L'image de Nathalie Normandeau a toutefois été ternie au cours des derniers mois, en particulier à cause du dossier du gaz de schiste. «Il n'y a pas de dossiers en particulier qui ont contribué à mon départ de la vie politique», a noté Mme Normandeau. Elle s'est dite fière, notamment, d'avoir conclu un pacte fiscal avec les municipalités et une entente avec le gouvernement fédéral au sujet des redevances du gisement pétrolier Old Harry, dans le golfe Saint-Laurent.

Sa vie personnelle a fait les manchettes en 2009 lorsqu'elle a confirmé sa liaison amoureuse avec l'adéquiste François Bonnardel. La rupture, à l'été 2010, a été difficile, et la mort de son collègue Claude Béchard, en septembre 2010, l'a également ébranlée.

C'est le sixième ministre que perd Jean Charest depuis les élections de 2008. Sa majorité en Chambre est maintenant très mince avec 64 députés - 63 si l'on exclut le président Jacques Chagnon, ce qui est le minimum pour avoir la majorité absolue.

Le départ de Nathalie Normandeau force Jean Charest à déclencher une élection partielle dans les six mois. Il devra également remanier son cabinet ministériel. Il aura peu de temps: la rentrée parlementaire a lieu dans deux semaines, le 20 septembre. Une réunion du Conseil des ministres a lieu en matinée aujourd'hui.

Le Parti québécois et Québec solidaire ont chacun tenu à souligner la «contribution à la vie publique» de Mme Normandeau. Mais selon le péquiste Sylvain Simard, elle a payé le prix pour avoir été le «bon soldat» du premier ministre Charest dans les dossiers du gaz de schiste et des redevances des ressources naturelles.

- Avec la collaboration de Paul Journet