Un projet de loi qui sera présenté à l'automne visera à mettre fin au placement syndical dans les chantiers de construction, a annoncé lundi la ministre du Travail, Lise Thériault.

Le placement de la main-d'oeuvre par les syndicats n'a jamais été prévu par la loi, mais la pratique est courante dans les grands chantiers non résidentiels, selon le Groupe de travail sur le fonctionnement de l'industrie de la construction.

Ce groupe a tenu des consultations à huis clos, cet été, et a fait 57 recommandations à la ministre. Premier objectif: «garantir la protection des droits fondamentaux des travailleurs» et diminuer «les pressions subies au moment de choisir une association syndicale représentative».

En théorie, les employeurs sont censés appeler la Commission de la construction du Québec (CCQ) lorsqu'ils ont besoin d'ouvriers. En pratique, la CCQ est souvent incapable de rendre ce service.

Les employeurs se tournent alors vers les syndicats, surtout ceux qui ont le quasi-monopole dans certains corps de métier (comme les électriciens ou les arpenteurs). Cette situation peut créer des abus. Les salariés se sentent obligés d'adhérer à un syndicat en particulier s'ils veulent avoir du travail. S'ils sont membres d'un syndicat rival, ils ne sont pas embauchés.

Le projet de loi cherchera à doter la CCQ de moyens efficaces pour assurer elle-même le placement grâce à une plateforme informatique constamment mise à jour, a expliqué Michel Gauthier, porte-parole du groupe de travail.

Les travailleurs devront indiquer leur disponibilité et les entrepreneurs devront publier leurs besoins de main-d'oeuvre. Les certificats de qualification des ouvriers donneront des détails sur leur formation et leur expérience, mais ils ne révéleront pas leur allégeance syndicale.

Les employeurs ne se feront plus imposer l'embauche de plus de travailleurs qu'ils n'en ont besoin.

Les syndicats pourront recommander leurs membres à la CCQ, mais ils devront s'engager à respecter des règles strictes. Les méfaits, les menaces ou les gestes d'intimidation seront sanctionnés avec plus de sévérité: ils pourraient mener à la suspension de la licence syndicale pendant cinq ans.

Le choix de l'allégeance syndicale ne pourra s'exercer que par la poste ou par un autre moyen déterminé par le gouvernement. Les périodes de maraudage, pendant lesquelles les ouvriers peuvent changer d'allégeance, auront lieu aux quatre ans plutôt qu'aux trois ans.

Des mécanismes permettront aux salariés victimes d'intimidation ou de discrimination d'en saisir la Commission des relations de travail par une formule accélérée.

Des réactions opposées

Yves Ouellet, directeur général de la FTQ-Construction, qui regroupe 44 % des travailleurs de l'industrie, a qualifié ces mesures de «brouhaha» autour d'un faux problème.

«On dirait qu'on réinvente le bouton à quatre trous, a-t-il dit. Il est nettement exagéré de laisser entendre que le placement syndical est une pratique généralisée. Les syndicats font environ 15% du placement: 85% des entrepreneurs ne font pas appel à nous pour choisir leurs travailleurs.»

La CSN a réagi favorablement. «Si le placement de la main-d'oeuvre par les syndicats a toujours été interdit par la loi, c'est un secret de polichinelle que celui-ci a toujours existé dans la pratique», a indiqué la centrale dans un communiqué.

«Dans son rapport, le groupe de travail reconnaît que le système a entraîné de nombreux abus dans le passé. La CSN se réjouit de ce constat lucide, elle qui lutte depuis des années contre l'intimidation et la discrimination exercée à l'égard des travailleurs en fonction de leur allégeance syndicale.»

Le Conseil du patronat du Québec accueille aussi positivement la plupart des recommandations du comité, que la ministre a entérinées dans leur totalité. Mais il déplore la syndicalisation obligatoire des ouvriers de la construction.

Le député péquiste Mar-jolain Dufour, critique de l'opposition officielle en matière de travail, qualifie les réformes proposées de «poudre aux yeux» visant à éviter une commission d'enquête sur le milieu de la construction.

Pour lire le rapport : www.travail.gouv.qc.ca