La publication inopinée du rapport de Jacques Duchesneau et son constat troublant sur la collusion au ministère des Transports ont coupé les jambes à Jean Charest. La remontée lente mais tangible de la satisfaction des Québécois à l'égard de son gouvernement a été stoppée net la semaine dernière.

Dans son plus récent coup de sonde réalisé en ligne du 14 au 19 septembre derniers auprès de 1000 internautes, la maison CROP observe une légère augmentation de l'insatisfaction - 66% des Québécois sont mécontents de leur gouvernement en septembre contre 64% en août et 63% en juin. Inversement, 28% des gens se disent satisfaits ou très satisfaits du gouvernement Charest, comparativement à 31% à la fin du mois d'août.

Mais ces résultats globaux cachent une réalité plus lourde de sens, en cette veille de reprise des travaux à l'Assemblée nationale.

CROP a pu scinder son échantillon en deux groupes égaux, qui ont répondu avant et après la fuite du rapport à La Presse et à Radio-Canada. La proportion des insatisfaits grimpe subitement de 61% des répondants à 74% après la fuite et les réponses embarrassées du gouvernement. Inversement, le taux de «satisfaits», de 32% avant le rapport, chute à 24% par la suite. Même si les échantillons plus restreints sont moins précis, la force de la variation ne laisse pas de doute, observe Youri Rivest, vice-président chez CROP.

«C'est comme si ç'avait coupé les jambes à Jean Charest. Ç'a été cassé net par le rapport et la réaction du gouvernement. Ç'a a suscité une forte insatisfaction et replongé le gouvernement vers les bas-fonds, résume M. Rivest. C'est comme si le gouvernement avait traité à la légère quelque chose qui préoccupe tout le monde.» Avec des niveaux d'insatisfaction à 74%, «on a des chiffres de fin de régime, on retrouve les creux records du gouvernement Mulroney en 1993», observe le spécialiste.

Morosité

Globalement, la morosité des électeurs perdure. Une majorité de gens (63%) pense que le Québec «va dans la mauvaise direction». Seuls les électeurs libéraux pensent le contraire, à 71%, des chiffres qui ne diffèrent guère d'un coup de sonde identique mené en décembre 2010.

Cette déception à l'égard de la politique a un impact sur les intentions de vote. CROP observe, avant la répartition des indécis, que libéraux et péquistes récoltent, ensemble, seulement 40% des intentions de vote - 20% chacun. M. Rivest y voit «comme une répudiation des partis traditionnels».

Toujours en tenant compte des données brutes, l'ADQ obtient 13% et Québec solidaire, 8%. Pour le PLQ, c'est un glissement de 6 points, qui sont allés grossir les rangs des indécis et de ceux qui refusent de répondre, une étonnante proportion de 27%, «des gens qui attendent de voir ce qui va se passer».

Après répartition proportionnelle des indécis, le PQ et le PLQ sont encore à égalité avec 28% des intentions de vote, ce qui représente une baisse de 5 points pour le PLQ et une hausse de 1 point pour le PQ par rapport au mois d'août. L'ADQ récolte 18%, 2 points de mieux qu'il y a un mois, et Québec solidaire obtient 11%.

Comme «meilleur premier ministre», Jean Charest encaisse un recul: 19% des gens le voient comme le meilleur timonier, 3 points de moins que le mois précédent, «mais au moins il continue à fédérer les gens de son parti».

Pour Mme Marois, en revanche, le sondage est dévastateur: «Elle n'arrête pas de descendre, et bien des péquistes ne la voient pas comme meilleur premier ministre», note Youri Rivest. Seulement 10% des gens la voient comme la meilleure à ce poste, 4 points de moins qu'en août, 5 points de moins qu'en juin et 10 points de moins qu'en mai dernier.

Legault en baisse

Quand on soumet aux répondants la perspective d'un nouveau parti sous la houlette de François Legault, l'ancien ministre péquiste prend encore une fois les devants. Un éventuel nouveau parti fusionné avec l'ADQ l'emporterait facilement aux élections.

Mais son avance a diminué avec les nombreuses sorties publiques des dernières semaines. «Tous les partis sont en baisse», résume M. Rivest, qui observe que le recul de M. Legault est lié à un retour des adéquistes, qui avaient cru trop vite que leur parti se fondrait à la nouvelle coalition.

En septembre, le parti de M. Legault aurait récolté 38% des suffrages, contre 40% le mois dernier, et un stupéfiant résultat de 47% en juin.

En présence du nouveau parti, les libéraux récoltent 27%, contre 26% en juin. Le PQ reste troisième à 20%, 1 point de moins qu'en août, après répartition des indécis.