Les libéraux essaieraient de détourner la commission parlementaire sur l'agriculture, prétend le péquiste Claude Pinard. Il s'en est presque pris physiquement au député libéral David Whissell jeudi matin lors d'une rencontre à huis clos. On a dû le retenir. «(M. Whissell) est venu comme une pitoune dans une roue de bicycle», a expliqué M. Pinard. «J'étais en colère, mais je n'étais pas en colère au point de frapper un collègue», a-t-il précisé.

Le péquiste est vice-président de cette commission parlementaire. Le mois dernier, la commission a envoyé un subpoena aux administrateurs de la Financière agricole, un organisme paragouvernemental qui sert d'assureur aux agriculteurs. Ils refusaient de comparaître à la commission.

Tous se sont finalement pliés à cet ordre, sauf le président du conseil, André Forcier. Il était en voyage personnel en France. Il avait toutefois offert de comparaître quelques jours plus tôt.

La Financière gère un budget de 1,1 milliard $. À la demande du gouvernement, l'assureur a resserré ses critères pour rembourser sa dette de près de 700 millions $. Mais cela s'est fait beaucoup trop rapidement, se plaignent les agriculteurs. À cause de cette perte de revenu, ils préviennent qu'une ferme sur quatre pourrait bientôt faire faillite.

La commission veut donc que la Financière rende des comptes. Elle menace depuis quelques jours d'émettre un «mandat d'amener» contre M. Forcier pour le forcer à témoigner. Les membres de la commission se rencontraient à huis clos hier matin pour en discuter.

Mais depuis lundi, les libéraux ont changé d'idée. «On a entendu le sous-ministre de l'Agriculture (qui est aussi administrateur de la Financière) nous dire qu'il proposerait des solutions la semaine prochaine. Et en plus, M. Forcier va parler à son retour. Alors il n'y a pas d'urgence», a expliqué M. Whissell. Il rappelle aussi que les administrateurs sont des bénévoles.

M. Whissell a défendu cette position hier avec ses collègues libéraux. Les membres péquistes ainsi que l'adéquiste Janvier Grondin n'ont pas changé d'avis.

«On pense qu'ils ont eu une commande du bunker (de Jean Charest)», a même allégué M. Pinard. «C'est complètement frivole», a réagi Hugo d'Amours, l'attaché de presse du premier ministre.

M. Pinard n'en démord pas. Il rappelle que M. Whissell assistait jeudi à sa première séance de la commission depuis juin. À la fin de la rencontre, il a insulté M. Whissell. Ce dernier a répondu : «T'es à l'image de ta chef». L'altercation a suivi.

Paradis dérange

La décision d'émettre un mandat d'amener doit être prise par le vice-président et le président de la commission, le libéral Pierre Paradis.

Selon nos informations, le mouton noir de la députation libérale n'a pas changé d'idée. Il a tenu tête à ses collègues et souhaite encore émettre un mandat contre M. Forcier, ou l'accuser d'outrage au tribunal. Il a commandé des avis juridiques.

M. Paradis n'a pas retourné nos appels. Son travail à la commission dérangerait ses collègues depuis déjà plusieurs semaines. «On espère qu'avec sa grande sagesse, il va écouter la majorité de la commission», a laconiquement réagi M. Whissell.

M. Paradis n'a pas participé au vote sur le projet de loi 204 mercredi. «J'étais parti prendre une marche. Ça m'est sorti de la tête», a-t-il expliqué peu après. Il n'était pas présent non plus au vote sur la motion péquiste réclamant une commission d'enquête publique sur l'industrie de la construction.

Même s'il dit appuyer la position de son gouvernement, il «ne ferme pas la porte» à une commission d'enquête. «Je pense que c'est prématuré aujourd'hui, dans le contexte où M. Duchesneau va venir témoigner mardi prochain. C'est l'auteur du rapport, c'est lui qui en connaît plus qu'à peu près n'importe qui d'autre. Je préfère l'entendre.»