Jean Charest a été savonné à l'ouverture du congrès annuel de la Fédération québécoise des municipalités (FQM). «Comment faut-il vous le dire, que ça prend une enquête publique? Même la police vous le dit!», a tonné devant lui le président de la FQM, Bernard Généreux. Il a été interrompu par des applaudissements nourris et quelques «bravos!».

M. Charest était assis devant lui, en première rangée, dans une salle de quelque 2000 élus municipaux et 1000 autres participants du congrès. Quelques ministres assistaient aussi à la cérémonie, comme Laurent Lesssard (Affaires municipales), Yves Bolduc (Santé), Kathleen Weil (Immigrations et Communautés culturelles) et Yvon Vallières (Réforme des institutions démocratiques).

«Monsieur le premier ministre, dans un contexte où la collusion, l'intimidation et la loi du silence sont érigées en système, un système dans le système, selon M. Ducheneau, il est de votre devoir, comme chef d'État, de mettre fin à cette dérive de nos valeurs, d'éradiquer cette gangrène qui menace nos institutions et qui finit par dévaloriser nos fonctions d'élus», a lancé M. Généreux. Il a encore une fois été interrompu par quelques applaudissements.

Sans commission d'enquête, la présomption de culpabilité commence à planer sur tous les élus municipaux, a-t-il regretté. «Je n'accepterai jamais que les membres de la FQM soient traités de pourris et de mafieux!», s'est exclamé le maire de Saint-Prime.

Le congrès se déroule sur le thème «Des élus à l'oeuvre». Mais ces élus peinent à jouer leur rôle dans le climat actuel, se désole M. Généreux. «Comment peut-on penser qu'on puisse assumer tous nos responsabilités dans un contexte où tout est cynisme et méfiance? Tout ce qu'on a fait depuis un an sur l'éthique, les contrats et la déontologie, faut que ça serve à quelque chose!»

Un peu moins de la moitié de la salle s'est levée pour applaudir poliment le premier ministre, qui a parlé après M. Généreux.

Charest se défend

Jean Charest a répété ce qu'il avait affirmé hier. «Je vous donne l'assurance aujourd'hui que tous les efforts seront faits, que toutes les pistes seront explorées», a-t-il affirmé. Il a évité de qualifier de «floue» la proposition Duchesneau - une commission d'enquête d'abord à huis clos, puis publique si nécessaire. Cette idée soulève plusieurs questions.

Pour évaluer la proposition Duchesneau, le gouvernement se basera sur trois critères: ne pas interférer avec les enquêtes, poursuivre les criminels devant les tribunaux et protéger des victimes.

Pour le reste, M. Charest s'est montré combatif. Il a défendu et vanté son bilan avec énergie. «Je vous souligne que jamais un gouvernement n'aura fait autant» pour combattre la corruption et la collusion, a-t-il affirmé. Il a décliné toutes les mesures de son gouvernement: création de l'Unité permanente anticorruption avec ses quelque 150 enquêteurs, les lois 76 et 32 pour augmenter la transparence dans les contrats municipaux, l'embauche de vérificateurs internes dans les différentes divisions du MTQ et le projet de loi sur le placement syndical sur les chantiers de construction.

Il s'est aussi défendu d'offrir au rabais les ressources minières. Le Québec a retiré plus d'argent en redevances en 2010 que dans les 10 années précédentes. Il attribue cela au début de la hausse des redevances, qui passeront de 12% à 16%. Le cours des ressources naturelles a aussi explosé dans les derniers mois.

Mieux occuper le territoire

M. Généreux a aussi exprimé ses préoccupations sur deux lois: la révision de la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, et la Loi-cadre sur l'occupation du territoire. Le gouvernement veut appliquer une politique de décentralisation. Cela plait à M. Généreux. Il qualifie cela de «moment historique» et constate en outre que les travaux avancent bien. Mais il craint néanmoins que ces deux lois fondamentales «ne deviennent un instrument bureaucratique».

Il dénonce aussi le principe du «un électeur, un vote» qui mènera à la disparition de trois circonscriptions peu peuplées en région, et à la création de trois nouvelles près de Montréal. Il s'agirait d'un «sacrifice innommable», selon lui. Il voudrait que le gouvernement modifie la loi électorale pour maintenir ces comtés en région.

Enfin, il rappelle que quelque 150 000 Québécois n'ont pas accès à une connexion internet à haute vitesse. Dans son dernier budget, le gouvernement a annoncé un investissement de 900 millions $ sur 10 ans pour brancher les régions. «Mais depuis, c'est le silence radio», s'impatiente M. Généreux.