Même si les journalistes québécois qui l'accompagnent n'ont pas manqué de l'interroger sur le sujet, Jean Charest a pu oublier, un peu, mardi les polémiques sur l'industrie de la construction pour se consacrer au premier objet de sa visite en France: le 50e anniversaire de l'ouverture de la Délégation générale du Québec à Paris.

Tout au long de la journée, le premier ministre a vanté la «relation d'amitié exceptionnelle» qui lie le Québec et la France depuis que son prédécesseur Jean Lesage et le général de Gaule ont inauguré la première «Maison du Québec», le 6 octobre 1961.

«Existe-t-il ailleurs sur la planète une relation similaire à celle qui existe entre le peuple français et le peuple québécois? Franchement, je ne le crois pas», a dit M. Charest en clôturant en début de soirée, aux côtés du ministre français des Affaires étrangères, Alain Juppé, un colloque sur l'avenir de la coopération franco-québécoise.

«Cette relation directe et privilégiée de notre pays avec la nation québécoise, au sein d'un Canada uni, personne n'en conteste la légitimité, a ajouté M. Juppé. Nos amis canadiens ont bien compris que notre proximité avec nos frères québécois (...) est un atout majeur pour le partenariat entre nos deux pays.»

Pour le premier ministre Charest, la journée avait commencé en plein coeur du quartier Saint-Germain-des-Prés, où il a «ré-inauguré», avec son ami le maire de Paris, Bertrand Delanoë, L'Embâcle, la sculpture-fontaine qui orne la Place du Québec.

Inaugurée en 1980, l'oeuvre de Charles Daudelin (quatre blocs de bronze sortant du sol, comme des morceaux de glace soulevée par les eaux du fleuve) avait subi les outrages du temps, au point qu'on passait désormais à côté sans la voir. Pour les 50 ans de la Délégation, Paris et le gouvernement québécois ont entrepris de lui redonner (avec succès) sa beauté minérale. Une plaque sur la façade d'un immeuble de la place rappelle désormais au passant l'origine et le sens de l'oeuvre. La veuve et le fils de Charles Daudelin ont assisté à la cérémonie.

Le premier ministre s'est ensuite rendu dans la station de métro Saint-Lazare pour dévoiler une autre oeuvre d'art, «La Voie lactée», de la Québécoise Geneviève Cadieux. Cette sculpture a été offerte par la Société des transports de Montréal à la RATP, son équivalent parisien, pour souligner les 50 ans de la Délégation générale du Québec.

L'ancien premier ministre Lucien Bouchard avait été invité par la STM. Dans les années 80, lorsqu'il était ambassadeur du Canada à Paris, il a largement contribué à la «décrispation» des relations très tendues qui régnaient dans le triangle Ottawa-Paris-Québec. Il a rappelé mardi le rôle «crucial» de la Délégation.

«Cette fenêtre que la France a ouverte au Québec sur la vie internationale est unique», a-t-il dit.

L'ex-ministre Louise Beaudoin, qui a pour sa part dirigé la Délégation de Paris dans les années 80, a elle aussi rappelé son importance, que traduit bien le statut diplomatique dont elle jouit.

«Elle est non seulement le vaisseau amiral, mais c'est de là que tout est parti. Aujourd'hui, si le Québec a une trentaine de délégations et de bureaux dans le monde, c'est parce qu'en 1961, il y a eu la création de la Délégation du Québec à Paris», a dit l'ex-ministre.

Tout en se réjouissant de l'intensité des relations franco-québécoises, Mme Beaudoin s'inquiète toutefois de voir la langue française y occuper de moins en moins de place.

«À Montréal, il y a une diminution de la place du français, a-t-elle dit. On a l'impression par ailleurs que le gouvernement français ne le défend pas, particulièrement à l'étranger, dans les institutions européennes et à l'ONU. Je pense qu'il faut ensemble se ressaisir, comme on l'a fait pour la diversité culturelle, ouvrir un nouveau chantier, aussi important, en faveur de la défense du français.»