Les militants libéraux réunis en congrès ont infligé tout un camouflet à la ministre de l'Éducation Line Beauchamp dimanche. Ils ont retiré une proposition visant à amputer de moitié le budget des commissions scolaires, une mesure que la ministre avait pourtant appuyée publiquement jeudi dernier.

La proposition demandait de «réviser les mandats et les responsabilités des commissions scolaires de manière à réaliser des économies annuelles de 100 millions de dollars par année pendant trois ans dans la bureaucratie». Cette idée est proche de ce que défend François Legault et sa Coalition pour l'avenir du Québec (CAQ).

Sur le parquet, bien des militants, en particulier les représentants de la communauté anglophone, étaient clairement opposés la mesure. Le porte-parole du groupe de travail sur l'éducation, l'ex-député adéquiste Simon-Pierre Diamond, a senti le besoin d'intervenir. Il a martelé que le but est d'accorder «plus d'autonomie aux écoles». «On peut décentraliser et garder les commissions scolaires. On est très loin de l'abolition», a-t-il fait valoir.

Plus tard, Michel L'Heureux, de Verdun, a demandé que la proposition soit retirée. «Je ne comprends pas pourquoi on s'embarque dans une guerre contre les commissions scolaires qui peuvent performer. Dans la communauté anglophone, c'est sûr qu'on se sent attaqué au niveau de nos institutions démocratiques. Les commissions scolaires, c'est la seule institution qui reste au Québec pour les anglophones», a affirmé ce commissaire de la commission scolaire Riverside. Il a reproché à la ministre d'avoir présenté «publiquement» cette proposition comme une «mesure gouvernementale» jeudi dernier, dans une entrevue à Radio-Canada. Mme Beauchamp disait alors vouloir transformer les commissions scolaires en «coopératives de services».

L'état-major du parti a alors mis tout son poids dans l'espoir d'éviter le retrait de la proposition. «C'est une proposition qui est publique depuis 35 jours. Ç'a été débattu en conseil général à Rimouski. L'intention a été a annoncée il y a plus de six mois. Ce n'est pas jeudi soir dernier que ç'a été annoncé. Je fais confiance aux membres pour débattre de cette proposition», a affirmé le président de la commission politique, Saul Polo.

Les délégués en ont décidé autrement: 316 ont voté en faveur du retrait de la proposition -dont le ministre Serge Simard- et 266 s'y sont opposés.

Lors d'un point de presse, Line Beauchamp a tenté de minimiser cette rebuffade. Selon elle, les militants n'ont pas rejeté son intention de réduire la bureaucratie et d'accorder plus d'autonomie aux écoles. Ils ont exprimé des critiques sur les façons de faire, a-t-elle plaidé, notant que le débat fut «émotif». «J'entends ça comme un appel comme quoi il faut arrêter que les décisions déboulent à partir de Québec et soient appliquées uniformément sur tout le territoire sans tenir compte des particularités locales (...) On m'incite à regarder ça en faisant preuve de souplesse et de flexibilité. C'est ce qu'on va faire.»

La vice-première ministre a précisé qu'elle avait pris la décision avant le congrès de ne pas se présenter au micro pour défendre la mesure. Les intentions de la ministre avaient soulevé la colère de la Centrale des syndicats du Québec, de la Fédération des commissions scolaires et de l'Association des commissions scolaires anglophones.

Dans son discours de clôture, le premier ministre Jean Charest a affirmé, en français et en anglais, que le gouvernement va «pousser plus loin la réflexion pour tenir compte des particularités de chacune des commissions scolaires». «Il y a eu un bon débat sur le plancher, a-t-il ajouté en conférence de presse. J'en retiens que les libéraux croient au rôle des commissions scolaires».

Rappelons que la Coalition pour l'avenir du Québec (CAQ) de François Legault veut abolir les commissions scolaires et confier une partie de leurs mandats à des directions régionales du ministère de l'Éducation. Il chiffre les économies à 280 millions $.

Toujours en éducation, les délégués ont retiré une autre proposition qui reprenait un thème exploité par François Legault. Celle-ci visait à ce que tous les élèves des niveaux primaire et secondaire passent chaque année une épreuve ministérielle unique en français et en mathématiques. Les écoles seraient comparées en fonction des résultats, «après pondération des facteurs socioéconomiques» pour ne pas pénaliser celles qui se trouvent dans des quartiers pauvres. Les écoles les plus performantes seraient récompensées dans l'octroi des budgets.

Les délégués ont décidé de renvoyer cette proposition à la commission politique. C'est Saul Polo lui-même qui a suggéré le retrait, constatant l'absence de consensus.

Dans son document sur l'éducation rendue publique en février, la CAQ propose d'évaluer la performance des écoles grâce à des examens annuels dans les matières de base.