Un entrepreneur reconnu coupable de fraude fiscale ne pourrait plus soumissionner à un contrat public pendant cinq ans dès son verdict de culpabilité. C'est l'une des sanctions supplémentaires prévues dans un projet de loi qu'a déposé la ministre du Travail, Lise Thériault, mercredi. Comme la mesure serait rétroactive, les 169 entrepreneurs condamnés pour fraude fiscale au cours des cinq dernières années risquent de ne pas pouvoir obtenir de contrats gouvernementaux pendant un certain temps.

«Il est totalement inacceptable que des fraudeurs puissent obtenir des contrats publics financés à même l'argent des Québécois. Obtenir des contrats du gouvernement est un privilège. Une entreprise qui le fait doit donc avoir un comportement exemplaire et présenter un dossier sans tache», a plaidé Mme Thériault en conférence de presse. Son projet de loi, très attendu, donne plus de pouvoirs à la Régie du bâtiment pour contrer les entrepreneurs délinquants.

À l'heure actuelle, un entrepreneur perd le droit de soumissionner à un contrat public pendant cinq ans s'il est reconnu coupable de certains actes criminels. Québec ajoute donc qu'une fraude fiscale entraînerait la même sanction. Il ne serait pas nécessaire d'établir un lien entre la faute que l'entrepreneur a commise et ses activités dans l'industrie de la construction.

Le PDG de la Régie du bâtiment, Michel Beaudoin, a précisé que «les licences des autres entreprises détenues par les dirigeants ou actionnaires à plus de 20% des actions avec droit de vote de l'entreprise fautive seront également soumises aux mêmes restrictions».

En plus de cette sanction automatique, la Régie du bâtiment pourrait toujours décider par la suite de suspendre ou de résilier la licence de l'entrepreneur si l'infraction commise est liée aux activités de construction. Elle détient ce pouvoir depuis l'adoption de la loi 73, en 2009.

Québec remonterait dans le temps: les entrepreneurs reconnus coupables de fraude fiscale au cours des cinq dernières années seraient visés par la nouvelle sanction. Selon la Régie du bâtiment, 169 entrepreneurs sont concernés, dont 22 font affaire avec le gouvernement. Si le verdict de culpabilité est survenu en 2009, l'entrepreneur ne pourrait pas soumissionner à un contrat public pendant trois ans.

Cette mesure toucherait par exemple Terramex, entreprise reconnue coupable de fraude fiscale en juin 2010. La Régie du bâtiment ne lui a imposé que sept jours de suspension de licence, une décision qui a déçu la ministre Thériault. Elle n'a encore donné aucune sanction à Constructions Louisbourg et Simard-Beaudry, deux firmes administrées par Tony Accurso qui se sont reconnues coupables de fraude fiscale en décembre 2010. Elles sont actives dans de grands chantiers de travaux publics, comme le projet hydroélectrique de la Romaine.

Or, une disposition du projet de loi permettrait à un entrepreneur frauduleux de ne pas perdre un contrat public qu'il est en train d'exécuter. Le ministre responsable pourrait en effet l'autoriser à poursuivre les travaux s'il le juge nécessaire. «Il faut quand même tenir compte qu'on ne peut pas retarder de manière indue les travaux. Ce serait impensable de retarder des gros chantiers pour une période de six mois ou d'un an. Il y a différentes considérations qui peuvent être prises», a expliqué Lise Thériault. Si le ministre refuse de donner l'autorisation, un autre entrepreneur prendrait la relève en vertu d'un cautionnement.

Selon le projet de loi, la Régie du bâtiment aurait maintenant le pouvoir d'obliger un entrepreneur à produire toute déclaration, information ou tout document lié à une fraude fiscale ou un acte criminel qu'il a commis. Il serait plus simple d'étayer la preuve au moment des enquêtes. «Ça fera en sorte qu'on ne pourra plus traîner en longueur les procédures et les multiplier», a dit Mme Thériault.

Québec fait passer le nombre de régisseurs d'un à cinq. Les dossiers seraient donc traités plus rapidement. Désormais, un régisseur devrait obligatoirement avoir une formation juridique. Un Bureau des régisseurs, distinct des activités d'enquête et d'inspection, serait créé.

Québec revoit à la hausse plusieurs amendes. Certaines sont même multipliées par 10, comme dans le cas d'une récidive en matière de fausse déclaration. La vente ou la location d'une licence serait maintenant passible d'une amende maximale de 75 000 $ pour un individu et de 150 000 $ pour une personne morale.