Il faut moderniser les dispositions anti-briseur de grève, conclut un rapport de la commission parlementaire sur l'économie et le travail.

La commission, formée de 12 élus dont sept libéraux, recommande à la ministre du Travail de revoir la notion d'établissement et d'employeur pour «établir un juste équilibre du rapport de force entre les parties négociantes lors d'un conflit de travail».

Le rapport fait suite à la commission parlementaire qui avait examiné l'hiver dernier les dispositions antibriseurs de grève, dans la foulée du lock-out au Journal de Montréal.

Selon le Code du travail, seuls les cadres engagés avant un conflit de travail peuvent remplacer les syndiqués. On ne peut permettre à un tiers de travailler dans les locaux de l'employeur pour remplacer les lock-outés ou grévistes. Cette notion d'établissement a été créée 1977. Mais à l'ère d'internet, des cellulaires et du télétravail, elle serait devenue obsolète, ont plaidé les groupes syndicaux en commission parlementaire.

Le rapport se rend à cet argument. Il évalue que le rapport de force peut être «nettement déséquilibré dans certains milieux de travail, notamment dans le secteur de l'information».

La notion d'employeur «mériterait d'être précisée», y lit-on. Durant un conflit, un employeur peut recourir aux services d'un autre entrepreneur ou employeur, s'il travaille hors de ses locaux. Or, ces sous-traitants peuvent dans les faits appartenir à un même conglomérat et se retrouver dans une situation employeur/employé, note la commission. «L'entreprise en conflit de travail pourrait ainsi arriver à faire indirectement ce qu'il n'est pas permis de faire directement», écrit le groupe d'élus.

En février dernier, le libéral François Ouimet, alors président de la commission, se demandait d'ailleurs si l'agence QMI était un «stratagème» utilisé par Quebecor lors du lock-out au Journal de Montréal pour remplacer des syndiqués aux salaires plus élevés. Le patron de Quebecor, Pierre-Karl Péladeau, assurait avoir «suivi les règles du jeu».

M. Péladeau prévenait qu'en modifiant les notions d'établissement et d'employeur, on créerait un «déséquilibre» à la faveur des syndicats qui effrayerait les investisseurs étrangers. Le président du Conseil du patronat, Yves-Thomas Dorval, partage cet avis. «On risque d'empêcher à un employeur d'avoir des revenus durant un conflit. Ça donne un rapport de force total aux syndicats. Une entreprise pourrait mourir, et ça, ce n'est pas dans l'intérêt des travailleurs non plus», soutient-il.

Le patronat prévient que si on ouvre le Code du travail, on ne peut seulement le faire à l'avantage des syndicats. L'idée «d'entreprendre une révision globale» du code est toutefois «loin de faire l'unanimité» chez les membres de la commission, lit-on dans le rapport.

De son côté, la CSN se réjouit que les élus veuillent «moderniser» le code. Mais même si elle salue l'objectif, elle propose un autre moyen pour y arriver. «La notion d'établissement ne fonctionne plus. Et même si on change la définition, elle pourrait devenir désuète dans 10 ans. On propose plutôt de parler du produit du travail, qui est plus facile à encadrer. Par exemple, pour un quotidien, ça pourrait être un texte», dit son président, Louis Roy.

Le péquiste Guy Leclair, membre de la commission, demande au gouvernement d'appeler son projet de loi 399, qui avait été déposé en décembre 2010. «Il répondrait à la recommandation de la commission», affirme-t-il.

La ministre du Travail, Lise Thériault, n'a pas encore pris connaissance du rapport.