Huit mois après avoir lancé son mouvement de réflexion, François Legault a confirmé, lundi, la formation de son nouveau parti, Coalition avenir Québec. «Le mot-clé ici, c'est "nouveau", nous voulons du nouveau, du changement. D'abord et avant tout, des gestes courageux et efficaces pour sortir le Québec de sa torpeur», a lancé l'ancien ministre péquiste.

Il reste vague quand on l'interroge sur sa stratégie: «Je suis impatient d'aller à l'Assemblée nationale, impatient de débattre avec M. Charest et Mme Marois, mais on va voir les opportunités qui se présentent», a expliqué le chef. La CAQ se prépare «à tous les scénarios» et met l'accent sur l'organisation et la recherche de candidats «au cas où». Des bureaux sont déjà trouvés à Montréal - on peut devenir membre en ligne sans frais.

M. Legault a paru un peu pris de court quand on lui a demandé s'il y aurait une course à la direction du parti. «On verra au congrès... On va proposer surtout une plateforme. Pour l'instant, c'est moi qui est le chef, et on va essayer de faire ratifier cela par les membres de la coalition», a-t-il dit.

Déjà, ses adversaires ont relevé lundi que sa plateforme était silencieuse sur plusieurs questions importantes, dont l'environnement. Le gouvernement Charest ne répond pas davantage aux propositions de la CAQ, réplique François Legault. Le premier ministre «devrait répondre sur le fond, plutôt que de continuer à s'amuser à des attaques personnelles». Legault se dit prêt à répondre sur tous les sujets, «mais il ne faut pas s'éparpiller, il faut se concentrer sur les priorités, et c'est ce qu'on a dans le plan d'action», a-t-il soutenu.

La CAQ s'est dotée d'un nouveau logo; «On y voit un rassemblement de gens de plusieurs couleurs, des flèches qui se réunissent, un logo original, différent, non traditionnel, agressif et dynamique», a résumé le chef. «À l'avenir, les gens vont trouver ennuyants les logos du PQ et du PLQ», espère-t-il.

Ardent souverainiste quand il était au Parti québécois, M. Legault se refuse désormais à même «faire un bilan» des avantages et des inconvénients pour le Québec de faire partie du Canada. «Au Québec, depuis plus de 40 ans, le contexte nous a forcés à nous définir d'abord comme fédéralistes ou souverainistes, a-t-il lancé. Depuis que j'ai le droit de vote, je n'ai pu m'exprimer que sur cette question. Après 40 ans, on commence une nouvelle ère.»

Les politiciens doivent prendre acte, selon lui, du fait que «la population ne souhaite pas qu'on discute de Constitution. On en discute depuis 40 ans, il est temps qu'on passe à autre chose. On laissera à nos petits-enfants ce débat qui n'est pas réglé. On ne peut pas dire que je n'ai pas essayé, mais je reviens en politique pour travailler sur d'autres dossiers», a-t-il soutenu. Son passé souverainiste ne réduira pas sa crédibilité auprès d'Ottawa. «Je ne pense pas, observe Legault, que mes relations [avec le fédéral] puissent être pires que celles entre M. Charest et M. Harper.»

Dès le début de son mandat, la CAQ entend réaliser des actions très précises. Son parti donnera la priorité à «la qualité de l'enseignement», mais le plan publié lundi balise de façon serrée les circonstances dans lesquelles un enseignant incompétent pourrait être congédié. Legault promet aussi un médecin à toutes les familles du Québec et s'engage à protéger la langue française, sans toucher à la loi 101 cependant. Le gouvernement Charest aurait dû utiliser la clause dérogatoire de la Constitution pour stopper les écoles passerelles, relève-t-il au passage.

La CAQ a repris les engagements décrits dans quatre documents thématiques. On prévoit abolir les commissions scolaires; leurs responsabilités seront confiées aux écoles et à des organismes régionaux plus modestes de distribution de services. M. Legault a éludé la question quand on lui a rappelé que les commissions scolaires étaient protégées par la Constitution. Les centres de services qui remplaceront les neuf commissions scolaires anglophones répondront aux exigences institutionnelles de la Constitution, croit-il. La taxe scolaire va rester la même et sera perçue par les municipalités. Le budget des commissions scolaires sera réduit de moitié. «Elles seront remplacées par des centres de services pour les écoles, les budgets passeront de 600 à 300 millions.»

Plusieurs propositions de la CAQ visent à réduire la taille de l'État, plaide M. Legault. «On veut agir sur la bureaucratie, abolir les agences de santé, où on retrouve 100 millions et 1000 employés», souligne-t-il.

Pas question de privatiser Hydro-Québec, mais la société d'État devra être plus efficace. Elle devrait sabrer 4000 postes, mais d'ici à 2018, pas moins de 6000 employés devraient prendre leur retraite sur une base volontaire, «une occasion unique pour réduire le nombre de postes sans heurter les individus».

La CAQ veut aussi réduire la facture d'assurance médicaments en permettant le renouvellement des ordonnances tous les trois mois, au lieu des renouvellements mensuels actuels. On abolirait également la protection de 15 ans des brevets pour les nouvelles molécules.

Au total, le programme de la CAQ représente une réduction de 1,5 milliard des dépenses publiques, des sommes en bonne partie réaffectées aux budgets de l'éducation.

Et l'ADQ?

Nouveau parti politique, la Coalition avenir Québec attend que l'Action démocratique du Québec se rallie. Son chef, François Legault, n'a pas donné le moindre signe qu'il était prêt à faire des concessions pour intégrer l'ancien parti de Mario Dumont.

En point de presse pour le lancement de sa nouvelle formation, François Legault n'a montré aucun intérêt à accorder une place au privé dans le secteur de la santé, un des principes fondateurs de l'Action démocratique. «La priorité, c'est de mettre de l'ordre, d'améliorer l'efficacité du système public. Le privé en santé... on verra! Je ne veux pas être dogmatique, est-ce qu'il pourra y avoir des projets pilotes, dans quelques années, dans 10 ans...», a-t-il laissé tomber. «On ne propose pas de faire plus de place au privé», a-t-il tranché par la suite.

Au moment où le chef adéquiste Gérard Deltell a annoncé une période de négociations avec son homologue Legault pour discuter d'une «alliance» éventuelle entre les deux formations, François Legault semble plutôt indifférent. Il est d'ailleurs possible que l'ADQ fasse partie des adversaires au prochain rendez-vous électoral. «On verra si on peut s'entendre sur des idées, on présente des changements, tous ceux qui sont d'accord avec ces idées sont les bienvenus, que ce soit les adéquistes, les péquistes ou les libéraux», a laissé tomber M. Legault.