Comme elle l'avait promis, Pauline Marois n'a pas tergiversé. Incapable de s'engager formellement à demeurer au Parti québécois, le député de Blainville, Daniel Ratthé, a été immédiatement éjecté du caucus.

«Il a été expulsé», a martelé jeudi Mme Marois, après une conférence de presse au cours de laquelle M. Ratthé avait soutenu le contraire. Il avait l'intention d'annoncer son départ aujourd'hui. «Je lui ai dit - et je crois que les militants du PQ ont le goût de le lui dire aussi: moi, je veux travailler avec des gens de conviction, pas avec des opportunistes», a laissé tomber Mme Marois.

Devant le reportage de La Presse qui a révélé, jeudi, les «pourparlers» de M. Ratthé avec les stratèges de la Coalition avenir Québec, Mme Marois a rencontré son député en matinée et exigé qu'il nie formellement avoir l'intention de quitter le PQ, un ordre auquel il n'a pas voulu se plier. Jeudi, il a indiqué vouloir siéger comme indépendant «pour le moment».

Il n'a pas caché sa sympathie pour la Coalition avenir Québec; il s'est d'ailleurs entretenu avec François Legault, mercredi soir, et parle régulièrement avec Benoît Charrette, un ex-collègue qui a aussi quitté le PQ. «Je n'ai pas changé d'idée, je suis toujours souverainiste», a-t-il dit. «Réaliste, je considère, comme la majorité de nos concitoyens, qu'en raison de l'état actuel des choses, il faut présentement mettre l'accent sur d'autres enjeux», a-t-il soutenu, une position identique à celle de l'ancien ministre Legault.

«Actuellement, il n'y a aucune entente avec M. Legault ou la Coalition. Pour le moment, je veux réfléchir...», a-t-il dit. Il soutient que sa décision de quitter le caucus péquiste était prise depuis un bon moment. Mardi, il a prévenu la whip du PQ, Nicole Léger, qu'il était «en réflexion» et elle l'a fait savoir à Mme Marois. Il prévoyait la rencontrer en fin de journée, jeudi, et annoncer son départ aujourd'hui. Le reportage de La Presse lui a coupé l'herbe sous le pied, a-t-il expliqué. «J'aurais trouvé malhonnête de rester dans un parti dans lequel je n'étais pas totalement confortable. Je le fais par conviction, pas par opportunisme», a-t-il soutenu.

Mme Marois a fait une autre lecture des événements. «Après une brève rencontre avec lui, j'en suis venue à la conclusion que je ne peux faire confiance à un député qui renie ses convictions par opportunisme», a-t-elle soutenu dans un communiqué, en matinée. Jean Charest a tout de suite vu l'occasion de stigmatiser la CAQ comme le refuge des souverainistes mécontents. «Ça vient confirmer que François Legault, c'est un souverainiste. Dans le fond, il est en train de dire aux Québécois: je vais me donner 10 ans pour préparer le prochain référendum», a martelé M. Charest, convaincu que les libéraux, eux, ne seront pas tentés par la Coalition.

M. Ratthé était un des leaders de la fronde contre Mme Marois au sein du caucus péquiste - une dizaine de députés souhaitent qu'elle quitte ses fonctions. Il a nié avec circonspection avoir fait partie d'une «fronde organisée pour un putsch visant Mme Marois», mais c'est tout de même à son domicile, à Québec, qu'une demi-douzaine d'élus péquistes se sont rassemblés pour convaincre le doyen, François Gendron, de transmettre leurs doléances à la chef.

Il est resté vague quand on lui a demandé si un changement de leader au PQ aurait freiné son départ. «Ç'aurait peut-être été une option préférable. Mais ce n'est pas le choix qui a été fait. Mme Marois est une personne qui assume le leadership, elle a clairement affirmé son leadership», a-t-il dit. M. Ratthé est le deuxième adversaire que Mme Marois élimine en une semaine. Plus tôt, elle a temporairement mis de côté Guy Leclair, le député de Beauharnois qui contestait aussi son leadership. Après avoir été secouée par l'opposition d'une dizaine de députés, Mme Marois avait promis que tous les députés qui ne se rangeaient pas derrière elle seraient bannis du caucus.En réaction, jeudi, Lorraine Richard, de la circonscription de Duplessis, a salué la fermeté de sa chef qui a pris la bonne décision, selon elle. Sylvain Pagé, un des opposants à Pauline Marois, a de son côté regretté le départ de M. Ratthé. Selon lui, après la fronde d'il y a deux semaines, «la page est tournée, Mme Marois est le chef et reste là».

Un autre mutin semblait ébranlé, le jeune député de Terrebonne, Mathieu Traversy. «C'est une nouvelle qui est très malheureuse», a-t-il soutenu. Selon Martine Ouellet, députée de Vachon, «on se rend compte aujourd'hui que M. Ratthé avait depuis quelques semaines un agenda parallèle. Il a choisi de renier le Parti québécois pour rejoindre les vire-capot». «Je dis aux opportunistes de faire bien attention aux sondages, parce qu'ils changent très rapidement», a-t-elle conclu.

- Avec la collaboration de Tommy Chouinard et Paul Journet