«Prestations cibles» plutôt que «déterminées», régimes de retraite «hybrides» et clauses d'étanchéité entre les anciens et les futurs retraités; à mesure que s'approche le gouffre du financement des régimes de pension des municipalités, Québec cherche avec fébrilité une formule pour que les villes puissent assurer le financement des engagements passés. Et la solution pourra servir pour ses propres employés.

Les salariés actuels doivent nécessairement s'attendre à des sacrifices. «Dans ce domaine, c'est plus facile de nommer les problèmes que de nommer les solutions», dit sans détour le ministre des Affaires municipales, Laurent Lessard. Dans un entretien à La Presse, au lendemain du dépôt du budget de la Ville de Montréal, le ministre ne cache pas sa préoccupation devant l'ampleur des problèmes connus que le maire Tremblay vient de rappeler. La Ville devra consacrer 610 millions au financement des retraites l'an prochain, 13% de son budget total, le plus important poste de dépenses après la police et les pompiers.

Au Ministère, un comité a été mis en place à la demande de Montréal, de Québec et des deux unions municipales. Un rapport comprenant des propositions pour régler les problèmes à court terme devrait être prêt en janvier prochain. «On ne dit pas qu'il faut changer les lois, on regarde la viabilité des régimes à long terme... et la sensibilité de ceux qui paient des taxes», dit le ministre.

Les contribuables «paient des taxes municipales pour les régimes de retraite des fonctionnaires municipaux, les mêmes citoyens paient pour les régimes de retraite des fonctionnaires provinciaux. Quand on leur parle maintenant de rembourser des déficits actuariels... la peau vient mince! Bien des contribuables n'ont même pas de régime de retraite», rappelle M.Lessard. Si ailleurs, en Angleterre et en France notamment, on revoit l'âge d'admissibilité à une pleine rente, «on n'en est pas là», laisse tomber le ministre.

Dans le cadre de certains régimes, à Montréal, les salariés ne paient que 30% de leur caisse de retraite. Ces partages sont à réexaminer, mais Québec n'en est pas à imposer quoi que ce soit. La participation au régime de l'ensemble des fonctionnaires est déjà égale entre employés et employeur. Pour le Régime de retraite des employés du gouvernement et des organismes publics (RREGOP), Québec et les syndicats ont convenu récemment d'une augmentation des cotisations moindre que nécessaire parce qu'ils voulaient éviter une pression trop importante sur les employés et le Trésor public.

À Québec, on jongle donc aussi avec le principe d'une «prestation cible», selon laquelle le risque que représente le rendement serait «partagé», plutôt qu'une prestation déterminée. Actuellement, la prestation déterminée promet un niveau de rente précis à la retraite, généralement 2% du salaire annuel par année de service. Selon l'autre formule, par exemple, le régime prévoirait des prestations de 2% par année, mais seulement 1,5% serait «garanti» et 0,5% dépendrait de la performance des marchés - les caisses de retraite sont depuis quelques années plombées par la mauvaise performance de la Bourse et du marché obligataire. La Régie des rentes et des représentants des organisations patronales et syndicales examinent déjà, parallèlement, ce genre de système.

Dans un premier temps, le comité devrait faire des recommandations pour des changements réglementaires afin de permettre aux villes de réduire, même modestement, le fardeau des régimes de retraite. Avant qu'on ne considère des changements législatifs, il faudra des consensus plus difficiles à atteindre. Québec, d'entrée de jeu, a indiqué aux villes participantes qu'il n'était pas question pour lui de «décréter» des conditions pour répondre à leurs inquiétudes, explique un des représentants municipaux. On considère des opérations plus restreintes, penser par exemple à un mécanisme «d'étanchéité» qui permettrait aux travailleurs plus jeunes à qui on demande des concessions d'en profiter dans l'avenir, plutôt que sauver la mise à ceux qui sont déjà sur le point de prendre leur retraite. Grâce à ces dispositions, les villes seraient plus à même de négocier des économies avec leurs syndiqués, croit-on.