La fusion de l'Action démocratique du Québec avec la nouvelle Coalition avenir Québec de François Legault est faite. Gérard Deltell présentera ce soir à l'exécutif de son parti les termes de l'entente, en pratique une prise de contrôle de l'ADQ par François Legault.

Illustration de cette reddition, la trentaine de membres de l'exécutif adéquistes apprendront que leur rôle est bien incertain dans la nouvelle formation. L'exécutif de la CAQ comptera seulement huit personnes. Le vice-président du parti viendra toutefois de l'ADQ a appris La Presse.

Les comités exécutifs de circonscription de l'ADQ ne seront pas reconduits; la CAQ formera ses propres comités, où les anciens adéquistes pourront se faire élire. Il n'y aura pas de conventions pour le choix des candidats qui seront désignés par François Legault. Gérard Deltell restera le chef de l'aile parlementaire de la CAQ, en attendant que M. Legault se fasse élire. Sylvie Roy, députée de Lotbinière, restera leader parlementaire. Mais le président du caucus du nouveau parti sera choisi chez les députés «indépendants». L'ex-péquiste Benoît Charrette, qui dès juin, avait parié sur la CAQ en quittant son parti sera probablement récompensé. Daniel Ratthé serait un second choix.

Selon le plan qu'il avait annoncé cet automne, Gérard Deltell doit saisir les députés du texte de l'entente -tous sont favorables à la fusion, une planche de salut pour leur réélection--  ce qui reporterait à mardi, ou mercredi une conférence de presse formelle réunissant MM. Legault et Deltell. Le sort des indépendants, Daniel Ratthé, Benoît Charrette, Éric Caire et Marc Picard sera réglé dès le lendemain.

François Legault n'a pas l'intention de trancher dans la partie de bras de fer entre Sylvie Roy et Marc Picard. La circonscription de Lotbinière, que représente Mme Roy, disparaîtra aux prochaines élections et elle voulait se présenter dans Chute-de-la-Chaudière, le fief de Marc Picard. Pas question toutefois que François Legault commence son règne en exigeant le départ d'un élu, prévient-on. Mme Roy pourrait devoir se colleter avec le ministre Laurent Lessard, dans Frontenac, mais selon des sources fiables, elle n'a pas fermé la porte à une candidature dans Lévis.

Maigres concessions à l'ADQ

Sur le contenu du programme, François Legault n'aura pas fait beaucoup de concessions à l'ADQ. Il se dira ouvert à un «projet pilote» pour faire l'expérience de la mixité privé-public en santé, des médecins pourront pratiquer au privé, à condition qu'ils aient fait leurs heures dans un établissement public au préalable. Mais dans l'annonce de cette semaine, cet engagement restera passablement vague, comme l'indiquait La Presse, la semaine dernière.

François Legault avait lui-même lancé cette formule lors de la conférence de presse pour lancer son mouvement, le 14 novembre. Jusqu'alors, il avait été très réticent à tout recours au privé en santé.

Avec cette bien maigre avancée, Gérard Deltell a dû renoncer à deux autres des conditions qu'il posait au mariage des deux partis; pas question pour la CAQ de ressusciter la coûteuse promesse de 100$ par semaine pour les familles qui garderaient leur enfant à la maison plutôt que d'occuper une place subventionnée en garderie -un engagement qui avait puissamment aidé Mario Dumont à faire élire 40 députés en 2007. François Legault n'a que faire aussi de l'étiquette «autonomiste» que voulait amener avec lui l'adéquiste.

Malgré le souhait des adéquistes à l'origine, il ne restera rien du nom du parti fondé par Jean Allaire et Mario Dumont. La raclée subie par l'ADQ dans Bonaventure le 5 décembre -seulement 2 % des suffrages-a enlevé à Gérard Deltell, le peu de pouvoir de négociations qui lui restait. Pour Richard Thibault, le responsable des communications de l'ADQ, «c'est faux de dire que l'ADQ se fait avaler, 80 % des propositions de la CAQ étaient déjà dans notre programme». Les adéquistes  insisteront par exemple sur l'abolition des commissions scolaires, un engagement de la CAQ, qui se trouvait depuis l'automne 2006 dans le programme de l'ADQ.

À l'exécutif de l'ADQ, le manque de transparence de Deltell et son entourage, dans les dernières semaines en a irrité plusieurs. Déjà, des adéquistes connus, comme l'ancien propriétaire de CFCF, Adrien Pouliot, et Claude Garcia ont accueilli très froidement les visées de François Legault quant à l'avenir de leur parti. Comme l'avait indiqué Deltell cet automne, la proposition devra être entérinée par les membres de l'ADQ. Il avait parlé d'un congrès spécial, mais il semble qu'un vote postal pourrait être organisé, une solution bien moins coûteuse. Le congrès fondateur de la CAQ devrait, lui, se tenir en mars.

Dès la rentrée parlementaire du 14 février, la CAQ aura donc un caucus «d'au moins» 8 députés: Gérard Deltell, François Bonnardel, Sylvie Roy et Janvier Grondin, de l'ADQ. Deux indépendants adéquistes , Éric Caire ainsi que Marc Picard; ainsi que Benoît Charrette et Daniel Ratthé, anciens péquistes.

Du côté de la CAQ, on croit possible que d'autres péquistes, insatisfaits du leadership de Pauline Marois, se joignent aux troupes, avant la rentrée de février.