Jean Charest n'opposera pas de candidat à François Legault si un député péquiste ou adéquiste passé dans le camp de la Coalition avenir Québec (CAQ) lui cède son siège.

Le cofondateur de la CAQ n'aura pas droit à un pareil égard s'il s'avise de se porter candidat dans une circonscription visée par le Parti libéral, a cependant nuancé le premier ministre, lundi, dans une entrevue accordée à La Presse Canadienne depuis ses bureaux montréalais.

«Il y aura une collaboration si un siège de la CAQ devient disponible. Si M. Legault se présente, je suis prêt à lui laisser la voie pour qu'il entre à l'Assemblée nationale. Si un comté libéral s'ouvre, peu importe les circonstances, on va se battre pour le conserver», a-t-il affirmé.

En 2007, le vétéran député péquiste de Charlevoix, Rosaire Bertrand, avait cédé son siège à la chef du Parti québécois, Pauline Marois, pour qu'elle puisse rejoindre ses collègues à l'Assemblée nationale.

Le Parti libéral du Québec n'avait pas inscrit de candidat et Mme Marois avait remporté le scrutin avec 59 pour cent des suffrages, loin devant son adversaire adéquiste.

Le PLQ fera la même chose pour accommoder M. Legault, a indiqué le premier ministre, qui répète depuis des mois qu'il a hâte d'en découdre avec l'ancien ministre péquiste.

M. Charest a de sérieux doutes sur la réussite du mariage entre la CAQ et l'Action démocratique de Gérard Deltell. L'union d'un «souverainiste de gauche» et d'un parti de la «droite-populiste» lui apparaît pour le moins bancale.

Il s'agit, à son avis, «d'une galère» électoraliste.

«On va assister à l'annonce du décès de l'ADQ et de tout ce que l'ADQ a défendu, comme le privé dans la santé. Ils vont renier tout ça. C'est inusité: M. Legault se décrit comme un souverainiste de gauche et l'ADQ est un parti populiste de droite. Qu'est-ce qui les unis à part les sondages?» a-t-il soulevé.

Élu le 8 décembre 2008, le gouvernement Charest en sera à la quatrième année de son troisième mandat en 2012.

Les 12 derniers mois ont été fort mouvementés pour les libéraux au pouvoir, victimes du tir groupé des partis d'opposition sur l'éthique, la corruption dans l'industrie de la construction et l'attribution controversée des places en garderie.

Le premier ministre garde la tête froide et assure qu'il sera sur les rangs au prochain scrutin. Il refuse toutefois de spéculer sur la date du déclenchement de la campagne électorale.

«Je ne sais pas quand on va aller en élection. On est plus près qu'on l'était mais je ne sais pas, je n'ai pas de décision de prise, ça va dépendre de l'évolution des dossiers», a-t-il expliqué.

Cependant, tout comme dans les semaines précédant le déclenchement des élections en 2008, M. Charest voit poindre à l'horizon des turbulences économiques pour le Québec.

L'année qui vient sera consacrée à l'économie, a-t-il insisté, se disant fort préoccupé par la crise de l'euro et le marasme dans lequel semble coincée l'économie américaine.

«On va vouloir poser des gestes pour anticiper. Il y aura des turbulences, il n'y a pas de doute», a-t-il déclaré.

À son avis, le Plan Nord pourrait s'avérer une planche de salut pour le Québec dans les années à venir.

Ce gigantesque chantier de développement industriel et minier qui s'étale sur une génération ne semble pas enthousiasmer les masses, inquiètes des répercussions sur l'environnement et redoutant une vente à rabais des ressources naturelles.

Pour corriger la perception, le premier ministre prendra le bâton du pélerin en début d'année pour «vendre» le Plan Nord dans les régions du sud du Québec.

«On va faire des rencontres avec des entrepreneurs locaux et des donneurs d'ouvrage pour communiquer les bénéfices du Plan Nord dans le sud et en janvier, je vais commencer une tournée des régions pour m'assurer que les régions retirent le maximum de bénéfices du Plan Nord», a-t-il dit.

M. Charest admet d'emblée que le Plan Nord est une façon pour lui de s'inscrire dans les livres d'histoire.

«Oui, je vois ça comme étant un élément d'héritage», a-t-il laissé tomber.

L'année 2012 marquera aussi pour le Québec la reprise des échanges avec le gouvernement conservateur de Stephen Harper sur les transferts fédéraux, avec des milliards de dollars à l'enjeu pour le système de santé.

Une réunion du Conseil de la fédération les 15 et 16 janvier à Victoria en Colombie-Britannique sera l'occasion pour les provinces de mettre la table.

«On commence à se préparer pour des négociations importantes là-dessus. On se méfie parce que le fédéral nous dit qu'il va renouveler l'entente sur la santé avec une progression de 6 pour cent par année, mais va-t-il y avoir des coupes ailleurs? S'il y a des coupes ailleurs, on ne sera pas plus avancé», a évoqué le premier ministre.

Les relations entre Québec et Ottawa sont tendues. La querelle qui oppose les gouvernements Charest et Harper sur la justice criminelle et sur le registre des armes d'épaule en est l'illustration éloquente.

Malgré cela, la foi du premier ministre du Québec envers le fédéralisme canadien reste intacte.

«Il y a toujours des tensions entre les gouvernements, c'est le propre des fédérations. Sur l'ensemble de l'oeuvre en 2011, on a quand même fait des percées majeures avec l'entente sur (le gisement) Old Harry et avec celle sur la TPS-TVQ», a-t-il fait valoir.

«Il ne faut pas confondre avec le discours manichéen du PQ, qui dit: c'est le Canada contre nous. Ce n'est pas vrai. Le gouvernement fédéral a une perspective, mais il y a bien des gens au Canada qui ont une autre perspective», a-t-il ajouté.