L'ADQ a vécu. Même avec des dissensions, le bureau exécutif de l'ADQ a donné clairement le feu vert à la fusion avec la Coalition avenir Québec de François Legault. Pour certains militants toutefois, le parti de centre droit vend son âme au rabais pour se joindre à un chef interventionniste qui a le vent dans les voiles dans les sondages.

La trentaine de membres du bureau adéquiste ont voté par «une très forte majorité» en faveur de la fusion, a rapporté lundi soir à l'éxécutif réuni à huis clos Me Pierre Éloi Talbot, conseiller juridique du parti, après trois heures de délibérations. En fait, un seul membre s'est prononcé clairement contre la reddition de l'ADQ, Claude Garcia, a appris La Presse. D'autres membres ont exprimé des réserves, mais ont soutenu qu'au demeurant, c'était la seule option viable. Me Jean Allaire, le premier chef de l'ADQ, a pris position pour la fusion. Au sortir de la réunion, il s'est fait laconique: «Dans un parti politique, il faut que ça discute. Si ça ne discute pas, c'est mauvais signe», a-t-il soutenu, ajoutant qu'il n'était pas déçu de la disparition du parti qu'il avait fondé en 1994.

L'ensemble des gens du bureau de l'ADQ «étaient tannés». «On voit bien qu'on ne va nulle part», a confié sans détour un des participants à la réunion.

Peu après 21h, Claude Garcia, qui était contre la fusion, est sorti de la réunion les larmes aux yeux. «Je n'ai pas changé d'avis, je n'ai rien vu dans l'entente qui m'amène à changer d'avis», a-t-il soutenu. À l'intérieur, il avait affirmé qu'il était «entré en politique pour réduire la taille de l'État et que ce n'était pas le plan de match de François Legault».

«L'État québécois est omniprésent en économie. Il performe mal. J'étais venu en politique pour changer ça», a-t-il dit dans un entretien avec La Presse. M. Garcia prêche pour moins d'intervention de l'État dans la Caisse de dépôt, qui donne déjà de moins bons rendements que d'autres régimes de placement au pays. Or, «M. Legault promet d'intervenir davantage... Je ne peux accepter ça... J'étais membre de l'ADQ, mais je ne pourrais être membre de la CAQ», a-t-il résumé.

Plus tôt dans la journée, M. Garcia, président de la commission politique de l'ADQ, avait déjà prévenu qu'il était «contre cette entente» qui se dessinait entre les deux partis. M. Legault devait faire une timide concession en ouvrant la porte à un projet-pilote pour essayer la mixité privé-public en santé. Ce projet pilote en santé, «je n'y crois pas», dit M. Garcia. «Un jour, François Legault dit oui et l'autre, il dit non...», a-t-il lancé.

«Quand Maurice Duplessis a avalé l'Action libérale nationale, il a rapidement oublié le programme de l'Action libérale nationale. Ce sera la même chose dans le cas de François Legault. Il va oublier le programme de l'ADQ.» Il déplore que François Legault soit «le premier aspirant au poste de premier ministre à dire ouvertement qu'il veut intervenir dans les décisions de la Caisse de dépôt». Ce sont les interventions politiques qui, selon lui, plombent les résultats de la Caisse par rapport à d'autres fonds.

Les militants adéquistes seront consultés par la poste, les résultats devraient être compilés à la mi-janvier, a appris La Presse.

Adrien Pouliot était aussi opposé à la CAQ. Il s'est présenté aux quartiers généraux de l'ADQ, mais n'a toutefois pas assisté à la réunion. Le vice-président de la commission politique du parti, en fin de soirée, a affirmé que «François Legault dit être de la gauche efficace, mais nous, on pense que ce n'est pas du tout de ça qu'on a besoin». «On n'a pas besoin d'un chef cuisinier qui a cuisiné les mêmes recettes pendant 20 ans. Cela a l'air attrayant, mais, quand on creuse un peu, on se rend compte que ce n'est pas du tout ce dont on a besoin.»

À la sortie de la réunion du bureau, Peter White, représentant de l'Estrie, s'est dit satisfait du projet de fusion. Gérard Deltell a remis à mardi matin tout commentaire. Il sera avec François Legault à 11 h pour un point de presse, à Québec.

- Avec la collaboration de Tommy Chouinard