Des voix s'élèvent au sein de l'Action démocratique du Québec (ADQ) pour s'opposer au mariage avec la Coalition avenir Québec (CAQ) de François Legault. Un camp du Non prend forme.

Le chef adéquiste Gérard Deltell et François Legault ont présenté hier la fusion des deux partis comme un «événement qui va marquer l'histoire du Québec». En vertu de l'entente de principe entérinée par le comité exécutif de l'ADQ lundi soir, et que La Presse a obtenue, M. Legault a répondu à des exigences de l'ADQ, mais ses engagements sont peu contraignants. Cette union sera soumise à l'approbation des quelque 13 000 membres de l'ADQ à l'occasion d'un vote par la poste en janvier.

Or, les présidents de la commission jeunesse de l'ADQ, Denis Claveau, et de la commission politique, Claude Garcia, feront campagne contre la fusion. Ils ont exprimé leur opposition lors de la réunion de lundi soir. Trois autres personnes ont alors voté contre la fusion, dont le vice-président de l'aile jeunesse et l'ex-député Albert de Martin, devenu représentant régional. Mais 27 des 32 membres du comité ont entériné l'entente de principe. Notons que le vice-président de la commission politique, Adrien Pouliot, s'est dit contre la fusion, mais il n'est pas membre du comité exécutif. Il s'engagera dans le camp du Non.

«On n'a pas senti beaucoup de respect de la part de François Legault envers les idées développées durant les 15 dernières années à l'ADQ, a affirmé M. Claveau à La Presse hier. L'objectif dans les discussions était de conserver l'âme de l'ADQ, mais ce n'est pas ce qui arrive» avec la fusion. L'entente de principe «donne l'impression que M. Legault nous dit: signez, et vous verrez bien après. Malheureusement, ce n'est pas assez de garantie pour nous», a-t-il souligné.

Denis Claveau évoque des «actions féroces» pour convaincre les membres d'empêcher la fusion. Les jeunes représentent environ 10% des membres de l'ADQ. Parmi eux, avant l'annonce d'hier, «il y avait quelques "peut-être", mais beaucoup de "contre" la fusion», a-t-il noté.

Claude Garcia a demandé au parti la liste des membres afin de commencer au plus vite la campagne antifusion. La philosophie adéquiste et «l'interventionnisme à outrance» de l'État préconisé par François Legault sont à ses yeux incompatibles. «L'entente de principe montre que l'ADQ se fait hara-kiri. Moi, j'aime mieux mourir au combat», a lancé l'ancien président de la Standard Life.

En conférence de presse, Gérard Deltell, appelé à devenir chef parlementaire de la CAQ, a vanté l'entente de principe. Il s'est réjoui que M. Legault se soit engagé à «évaluer sérieusement la possibilité» de donner 100$ par semaine pour chaque enfant qui ne fréquente pas une garderie subventionnée.

Or, M. Legault a affirmé que «c'est difficile actuellement de trouver les 500 ou 600 millions de dollars» nécessaires pour mettre en oeuvre cette mesure adéquiste. Il n'a pas garanti non plus que la proposition se retrouvera dans le futur programme de la CAQ.

François Legault a accepté de lancer un projet-pilote «très bien encadré» pour permettre à des médecins de pratiquer à la fois dans le réseau public et dans le privé à certaines conditions. «J'ai toujours dit que je n'étais pas fermé à ces hypothèses. J'ai toujours dit, par contre, que la priorité est de réformer le réseau public», a-t-il nuancé.

Sur le front constitutionnel, l'entente de principe indique que l'«approche nationaliste» de la CAQ «rejoint le thème de l'autonomie, qui a toujours été au coeur de l'ADQ». Pour François Legault, autonomiste et nationaliste sont synonymes. Il entend présenter «une série de demandes par rapport à Ottawa», mais «ce n'est pas en vue d'avoir des discussions constitutionnelles pour signer la Constitution». L'ADQ a toujours plaidé pour le rapatriement de l'assurance emploi et de tous les pouvoirs en matière de culture, par exemple.

Deux des huit membres du comité de la CAQ proviendront des rangs adéquistes, dont le député François Bonnardel. François Legault conserve le dernier mot sur le choix des candidats aux élections. L'ADQ lui proposera une liste de personnes issues de ses rangs; les CV seront analysés comme les 800 autres déjà reçus à la CAQ. La fusion permet à la CAQ de toucher l'allocation annuelle de 780 000 $ que l'ADQ reçoit du Directeur général des élections. La CAQ hérite toutefois de la dette du parti, d'environ 700 000 $.