Le port du foulard islamique est désormais permis chez les agentes correctionnelles dans les prisons québécoises. L'État fournira lui-même le hijab à celles qui en font la demande.

Le Conseil du statut de la femme, le Parti québécois et la Coalition avenir Québec condamnent ce nouvel accommodement religieux. De son côté, la commission Bouchard-Taylor avait recommandé d'interdire le port de signes religieux comme le hijab, la kippa ou le turban chez les gardiens de prison.

Le ministère de la Sécurité publique a revu son code vestimentaire à la suite d'une entente à l'amiable intervenue avec la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse.

La Commission avait jugé discriminatoire l'interdiction du hijab, ce voile qui couvre la tête mais ne cache pas le visage. Il avait reçu une plainte d'une Montréalaise musulmane en 2007. La candidature de cette femme à un poste d'agente des services correctionnels avait été retenue. Elle portait le hijab lors de son entrevue de sélection puis durant sa formation théorique. Mais au moment de son stage probatoire, alors qu'elle devait revêtir l'uniforme, les dirigeants du Centre de détention de Montréal l'ont informée qu'elle ne pourrait pas porter le foulard dans le cadre de ses fonctions. La femme a porté plainte à la Commission des droits de la personne, qui lui a donné raison par la suite.

Après des pourparlers avec la Commission, le ministère de la Sécurité publique a ajouté un paragraphe sur le port du hijab dans son code vestimentaire. «Les Services correctionnels fournissent eux-mêmes le foulard islamique prescrit aux membres du personnel qui en auront reçu l'autorisation, et ce, dans un souci d'uniformisation et de respect des normes sécuritaires associées au port de ce vêtement», précise le nouveau règlement qui est entré en vigueur lundi.

Le Conseil du statut de la femme s'étonne que l'État fournisse le hijab. «L'État ne peut entrer dans la business de donner des signes religieux ostentatoires, estime sa présidente, Julie Miville-Dechêne. Ça met en cause la neutralité de l'État. On pourrait croire que l'État, en faisant cela, favorise une religion plutôt qu'une autre.»

Le Conseil du statut de la femme demande depuis plusieurs années que le port de signes religieux ostentatoires - hijab, kippa, kirpan, etc. - soit interdit chez tous les fonctionnaires au nom de la laïcité de l'État. «Dans le cas du voile, c'est un symbole d'inégalité entre les hommes et les femmes, un symbole de soumission. Certaines femmes peuvent le choisir légitimement au Québec, mais si on regarde la situation dans le monde, en Afghanistan comme dans plusieurs pays musulmans, on se rend bien compte qu'il ne s'agit pas là d'un symbole de liberté», a soutenu Mme Miville-Dechêne.

Selon la députée péquiste Carole Poirier, ce nouvel accommodement est une «dérive». «On est en train de permettre n'importe quoi, a-t-elle lancé. Il faut respecter les religions, mais il faut aussi respecter la neutralité de l'État.» Le PQ demande lui aussi l'interdiction des signes religieux chez les employés de l'État.

De son côté, la Coalition avenir Québec de François Legault estime que «les personnes en autorité ne devraient pas porter de symboles religieux», a indiqué son attaché de presse, Jean-François Del Torchio.

La commission Bouchard-Taylor sur les accommodements raisonnables a recommandé, en 2008, que le port de signes religieux soit interdit aux agents correctionnels, aux procureurs de la Couronne, aux policiers, au président et aux vice-présidents de l'Assemblée nationale.

Or, le gouvernement Charest a rejeté cette proposition. Il a déposé en mars 2010 un projet de loi qui vise à bannir uniquement le voile intégral (niqab ou burqa) dans l'administration publique, tant pour le fonctionnaire que pour le client. Ce projet de loi est au point mort depuis plusieurs mois. La ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles, Kathleen Weil, n'a pas voulu faire de commentaires. Mais son attachée de presse, Marie-Ève Labranche, a affirmé que l'accommodement de la Sécurité publique est raisonnable parce qu'il ne comporte pas de «contraintes excessives» liées à la sécurité, aux droits d'autrui et à l'organisation des services. La Commission des droits de la personne utilise le même argument pour défendre sa position.

La porte-parole du ministère de la Sécurité publique, Valérie Savard, a souligné que le port du hijab est déjà permis dans les prisons fédérales. Elle ignore combien d'employées pourraient faire une demande au Ministère.