Après avoir nié pendant des mois qu'il envisageait de se joindre à François Legault, son mentor politique, François Rebello a finalement rallié la Coalition avenir Québec (CAQ), lundi. Dans une lettre ouverte, le député de La Prairie, qui se dit souverainiste, explique: «Je ne veux pas me contenter d'attendre le Grand Soir. Je choisis le meilleur premier ministre pour bâtir notre avenir.»

> La lettre de François Rebello

Dans l'entourage de Pauline Marois, où on croyait que l'hémorragie des départs était stoppée, on était frappé de stupeur. Rebello était jusqu'à tout récemment en discussion avec la direction du parti parce qu'il souhaitait se présenter dans la nouvelle circonscription de Sanguinet, qui incorporera une partie de La Prairie. La nouvelle circonscription aurait été plus favorable au PQ. Rebello est le troisième péquiste à quitter Pauline Marois, après Benoit Charette (Deux-Montagnes) et Daniel Ratthé (Blainville).

M. Rebello nie avoir envisagé une autre circonscription que La Prairie. Marcelle Caron, militante de longue date et présidente de l'association péquiste de cette circonscription, affirme pourtant le contraire: «Il nous avait dit qu'il s'en allait dans Sanguinet, qui comprendra Sainte-Catherine, plus péquiste, et qu'il nous aiderait à trouver un candidat du PQ ici.»

Mme Caron, qui avait même cautionné Rebello quand il s'était présenté pour le PQ en 2007 (il avait mordu la poussière aux mains de l'ADQ), est «surprise et un peu déçue» de son choix. «On le lui a demandé à plusieurs reprises. À chaque réunion, il nous disait qu'il n'avait pas l'intention d'aller rejoindre M. Legault. À la dernière réunion, il était très catégorique. Ici, les gens ne sont pas contents. Il nous a déçus, c'est certain, résume Mme Caron. Il m'a dit qu'il ne voyait pas le bout du tunnel avec Mme Marois, qu'il ne savait pas si elle allait se retirer et qu'il ne voyait pas qui pourrait la remplacer.»

Dans sa lettre ouverte, M. Rebello insiste sur l'importance qu'accordera la CAQ à l'environnement. Le jeune député nie que Legault l'ait assuré qu'il sera critique de ces dossiers pour la CAQ, mais Mme Caron croit le contraire. «Il nous a dit qu'il n'y avait pas de problème, que Legault allait lui donner les dossiers de l'Environnement et des trains de banlieue», a-t-elle expliqué à La Presse.

Liens privilégiés

Il y a longtemps que François Rebello entretient des liens privilégiés avec Legault. Rebello est arrivé au PQ bien avant l'ancien patron d'Air Transat, mais le jeune militant s'est vite retrouvé dans l'orbite du nouveau ministre, une recrue surprise de Lucien Bouchard en 1996. Avec Martin Koskinen - devenu le bras droit de Legault - et une poignée de jeunes péquistes, Rebello travaillait dans les coulisses à l'avancement de son mentor.

Après la défaite du PQ en 2003, Legault entretenait un groupe de jeunes militants tous convaincus que, à la première occasion, le député de Rousseau se porterait candidat à la succession de Bernard Landry. Au départ de M. Landry, en juin 2005, après des mois de campagne larvée, Legault a finalement annoncé qu'il ne serait pas candidat pour des raisons familiales - il avait deux jeunes garçons. Sa décision a refroidi ses disciples, qui se sont regroupés à contrecoeur autour de Richard Legendre. Au départ d'André Boisclair, François Legault a fait savoir, rapidement cette fois, qu'il ne serait pas sur les rangs.

En novembre, une source à la CAQ a confié à La Presse que M. Rebello n'avait «qu'un téléphone à faire» pour se joindre à la CAQ: «La porte est ouverte.» À plusieurs reprises, M. Rebello a néanmoins assuré à La Presse qu'il resterait au PQ. «Je suis au PQ par conviction, je reste», répétait-il.

Encore le 9 décembre dernier, en Chambre, le ministre des Finances, Raymond Bachand, avait taquiné le jeune député péquiste: «Peut-être qu'il ne sera plus dans le même caucus. Alors, peut-être qu'on verra...» avait-il lancé en évoquant les rumeurs de défection. «Contrairement au ministre des Finances, moi, j'ai des convictions», avait répliqué François Rebello (M. Bachand est un ancien stratège péquiste).

En juin dernier, Rebello faisait partie des 12 «jeunes» députés péquistes qui avaient adressé à Jacques Parizeau une lettre ouverte intitulée «Faites-nous confiance», dans laquelle ils lui demandaient de ne pas douter de la nouvelle génération de députés souverainistes. Un autre des signataires, Benoit Charette, est aussi passé à la CAQ.

Toujours souverainiste

Rebello a expliqué qu'il conserve ses convictions. «Ma conviction est d'être souverainiste, mais je pense qu'on ne peut pas faire de référendum dans un avenir prévisible. La question que je me suis posée, c'est: qui est dans la meilleure situation pour devenir premier ministre du Québec?»

Aux Fêtes, il a eu un entretien avec son mentor Legault, qui lui a assuré qu'il pourrait continuer à se définir comme souverainiste. «Je pense que le Québec devrait être un pays, mais le niveau d'appui n'a pas monté, a-t-il expliqué à La Presse. Je ne peux pas casser les oreilles des gens, mieux vaut se concentrer sur le meilleur gouvernement possible.»

La décision de M. Rebello ne devait pas être annoncée si vite. C'est le militant souverainiste Robin Philpot qui a dévoilé la chose, lundi, à son émission hebdomadaire à la radio communautaire CIBL. Rebello va «se joindre au minoritaire professionnel François Legault», a soutenu Philpot.

Dans sa lettre, qui sera publiée mardi dans les pages Forum de La Presse, M. Rebello rappelle: «Alors qu'il était au sein du PQ, je soutenais François Legault, car je croyais en ses qualités de chef de file démontrées par une feuille de route impressionnante, autant comme entrepreneur que comme ministre. C'est un leader pragmatique que j'admire. Aujourd'hui, j'ai la chance de le soutenir pour qu'il devienne premier ministre du Québec.»

«Il est temps de remplacer ce gouvernement à genoux devant le fédéral. Pour y arriver, je choisis le chef nationaliste le plus susceptible de battre le Parti libéral», poursuit l'ex-péquiste. «Force est de constater que la stratégie souverainiste n'a pas fonctionné. La majorité des Québécois n'est pas prête, maintenant, à voter pour la souveraineté. Ça ne veut pas dire que la souveraineté n'est plus possible [...] je suis donc encore souverainiste tout en étant conscient du fait que l'enjeu actuel n'est pas celui de la tenue d'un référendum, mais bien celui de choisir le meilleur gouvernement dirigé par le meilleur premier ministre.»