François Legault veut renouveler les façons de faire en politique. Mais pour ce qui est du financement de son parti, on devra attendre: durant le dernier mois de 2011, la CAQ a reçu plus de 400 000$ en dons, démontre la liste du Directeur général des élections. Or, pas moins de 46 importants donateurs venaient du même bureau d'avocats, BCF, à Montréal.

À partir de la liste des contributions sur le site du DGE pour la période du 14 novembre (date de fondation du parti) au 31 décembre 2011, La Presse a colligé les noms de 45 collègues du nouveau responsable du financement à la CAQ, Me Mario Charpentier, patron du bureau de BCF à Montréal. Au total, en un peu plus d'un mois, ils ont versé 20 000$ au nouveau parti. Et cette liste n'est même pas complète, observe Martin Koskinen, bras droit de François Legault: elle ne tient compte que de 319 000$ de dons, alors que la CAQ a récolté plus de 400 000$ dans les dernières semaines de 2011.

Problèmes de perception

De ces 46 donateurs, une demi-douzaine seulement figurent sur la liste de ceux qui avaient contribué à la Coalition pour l'avenir du Québec lorsqu'elle n'était pas encore un parti politique. Cette deuxième liste a été rendue publique hier par la CAQ. On voit que 1000 personnes avaient versé 315 000$ à l'organisme à but non lucratif (OBNL). Une somme de 887$ qui n'a pas été dépensée avant la formation du parti sera envoyée à la Fondation pour l'alphabétisation. Dans leur empressement, les stratèges de François Legault ont oublié d'enlever les adresses courriel et les numéros de téléphone des donateurs à l'OBNL.

Une telle concentration de contributions venues d'une seule étude juridique peut poser des problèmes de perception. L'an dernier, Québec solidaire, sur la base de listes colligées par l'Association des ingénieurs du gouvernement du Québec, avait frappé fort à l'Assemblée nationale en démontrant que des dizaines d'importants donateurs du PLQ venaient des mêmes firmes de génie-conseil.

L'opposition avait eu tôt fait de soutenir que des contributions aussi importantes de la même source laissaient croire que la firme espérait un retour d'ascenseur dans l'attribution des contrats gouvernementaux.

Joint par La Presse, Me Charpentier ne voit pas de problème pour la CAQ: «C'est le fun de voir qu'il y a autant d'enthousiasme dans mon cabinet pour la Coalition avenir Québec.»

Il explique que ses efforts de financement se sont faits plus intenses dans son entourage immédiat et qu'ils se sont avérés contagieux. «Je n'ai pas fait le compte, mais, comme président, j'avais organisé un événement. Tant mieux si on est 46!», a-t-il dit.

Bureau de 150 avocats

Il a rappelé que son bureau compte «180 professionnels», dont 150 avocats.

Me Charpentier, qui a donné à la CAQ le maximum annuel permis (1000$), avait déjà versé presque autant quand le groupe était un OBNL. Il reconnaît avoir contribué aux deux: «Je me suis porté volontaire dès le premier jour.» Ces 46 avocats ont en tout versé près de 20 000$ dans les dernières semaines de 2011. «Ce n'est pas la firme qui contribue, ce sont des contributions individuelles et volontaires», observe Me Charpentier.

Son bureau compte notamment dans ses rangs Me André Ryan, fils de feu Claude Ryan, qui a notamment été ministre sous Robert Bourassa. André Ryan était l'avocat personnel du premier ministre Jean Charest devant la commission Bastarache sur le processus de nomination des juges. «Il y a des gens de toutes les tendances, chez nous, chacun est libre de faire ce qu'il veut», observe Me Charpentier.

La liste du DGE indique que Serge Gouin, actuel président du conseil d'administration du Groupe TVA, a fait don de 1000$ à la CAQ. Il était jusqu'à l'an dernier président du conseil de Quebecor Media. «Je n'ai aucun commentaire», s'est borné à dire Serge Sasseville, vice-président et porte-parole du Groupe Quebecor. La femme de M. Gouin, Denyse Chicoyne, de BMO, a aussi donné 1000$. Tous deux avaient également contribué à la formation de François Legault au moment où c'était encore un OBNL.

Tant la liste du DGE que celle de l'OBNL font état de contributions de Dominique Anglade, présidente du parti. En 2011, elle a donné 1000$ au parti et 250$ à l'OBNL. Elle a aussi donné 150$ au PLQ l'an dernier.

D'autres contributions

L'enthousiasme de Me Charpentier semble le suivre là où il passe. Membre du conseil de la Fondation du CHUM, il a convaincu son permanent, Ekram Rabbat, de signer un chèque de 500$. Me Charpentier siège aussi au conseil de Bio-Québec, où Mario Lebrun, ancien chef de cabinet de Robert Bourassa et ex-vice-président d'Investissement Québec, a versé 400$, tout comme Luigi Liberatore, autre membre du conseil.

Pierre Fitzgibbon, de Québec, nommé membre du conseil de la Caisse de dépôt et placement du Québec, a donné 400$ au parti de François Legault. «Comme tous les citoyens, les membres du conseil d'administration ont le choix de contribuer à une formation politique de leur choix, cela n'a rien à voir avec la Caisse», a dit Maxime Chagnon, porte-parole de la CDP.

Me Charpentier a aussi entraîné avec lui un autre ancien dirigeant de l'ADQ, Stéphan Lebouyonnec, qui a versé 1000$, tout comme deux associées, Diana Gabriel et Maria De Fatima Tente. Parmi les donateurs, on trouve aussi Nicole Colas et Julien Colas-Bachand, conjointe et fils de Luc Bachand, VP de la Banque de Montréal.

On trouve aussi d'anciens libéraux fédéraux, comme Brigitte Legault, du cabinet de Michael Ignatieff, devenue responsable de la campagne de la CAQ, et Jean-Bernard Villemaire, vétéran du PLC à Montréal.