Jean Charest prévient Stephen Harper qu'agir unilatéralement en matière de retraites ne serait pas «une bonne idée». Le premier ministre québécois a lancé un avertissement à son homologue fédéral, jeudi à Ottawa, lui rappelant que toute décision de sa part dans ce dossier chaud aurait des répercussions tant sur les citoyens que sur le budget des provinces.

«Dans une démocratie, ce n'est pas de dire: «j'ai gagné, tu as perdu, je fais ce que je veux», a-t-il souligné en point de presse à Ottawa, où il était venu parler de son Plan Nord.

«Ce n'est pas ça. Surtout quand ça touche notre vie de tous les jours et ça touche les budgets des provinces.»

Le gouvernement conservateur refuse pour l'instant de clarifier ses intentions quant à l'âge d'admissibilité à la Sécurité de la vieillesse, qu'il pourrait faire passer de 65 à 67 ans. Ce changement s'avérerait lourd de conséquences pour les provinces, qui devraient alors assumer ces deux années de différence en assistance sociale pour les aînés les moins fortunés.

«On n'a pas été avisés que le gouvernement fédéral avait l'intention d'ouvrir ce front et on verra. On ne tire pas de conclusions à ce moment-ci parce que, franchement, on est un peu comme vous, on attend de voir ce que le gouvernement fédéral va faire», a noté Jean Charest.

Il a cependant signalé qu'il s'attendait à avoir un dialogue avec le fédéral. Les provinces sont montées au front en décembre quand le ministre des Finances, Jim Flaherty, leur a annoncé sans consultations préalables les modalités de financement de la santé pour les années à venir. M. Charest n'aimerait pas que cette façon de faire unilatérale se répète.

«C'est difficile pour nous de comprendre pourquoi il n'y aurait pas un dialogue là-dessus. Depuis quand, au Canada, on n'a plus de dialogue, on n'a plus de débat, on n'a plus d'échange d'information? J'ai de la difficulté à comprendre pourquoi on se traiterait de cette façon-là», a soutenu le premier ministre.

Du côté du gouvernement fédéral, on indique qu'il n'y a pas urgence d'échanger avec les provinces puisque les changements, s'ils surviennent, n'affecteront pas les aînés à court terme.

«Je ne sais pas c'est quoi le «rush» d'arriver puis de dire qu'il n'y a pas de consultations alors même qu'on garantit qu'il n'y aura rien de touché dans l'immédiat», a fait valoir le lieutenant québécois du premier ministre Harper, Christian Paradis.

Opposition derrière Charest

Les partis d'opposition se sont rangés derrière les commentaires de M. Charest sur la nécessité d'ouvrir un dialogue avec les provinces.

«La réaction de M. Charest est extrêmement raisonnable, compte tenu des impacts que cela aura sur les provinces», a fait valoir le néo-démocrate Peter Julian.

Mais l'opposition à Ottawa s'est montrée moins optimiste quant à la possibilité que Stephen Harper demande effectivement l'avis de ses homologues provinciaux avant d'agir dans le dossier des retraites.

«Il n'a pas consulté en ce qui concerne les coûts des prisons. Il n'a pas consulté avant d'imposer une solution sur les provinces en ce qui concerne la santé (...). Ce n'est pas un gouvernement qui aime consulter. Et c'est un des problèmes parce que les coûts retombent sur les provinces», a déploré le chef libéral intérimaire Bob Rae.

À la période de questions aux Communes, les partis d'opposition n'ont toujours pas été capables d'avoir l'heure juste sur ce que les conservateurs comptent faire avec les prestations de Sécurité de la vieillesse.

«Le Québec n'a même pas été consulté. Rien! Elle est où la consultation auprès des provinces, des retraités, des travailleurs? Est-ce que l'âge d'admissibilité va passer à 67 ans? Oui ou non?», a demandé la porte-parole néo-démocrate pour les aînés, Lysane Blanchette-Lamothe.

La ministre des Ressources humaines, Diane Finley, lui a répété ce que le gouvernement martèle depuis des jours, sans pour autant éclaircir la question. «Nous allons protéger la Sécurité de la vieillesse pour nos aînés. Ceux qui reçoivent des prestations maintenant ne perdront pas un sou. Cependant, il est nécessaire d'assurer la viabilité du système pour les générations futures. C'est exactement ce que nous allons faire», a-t-elle répondu.