C'est l'ensemble de la population et non seulement les fonctionnaires qui devrait profiter de la bonne performance de l'économie québécoise depuis deux ans, estime Marc Picard, député de la Coalition avenir Québec (CAQ), responsable des dossiers d'administration publique.

Mais s'il réprouve la décision de Québec d'accorder une augmentation de 0,5% à l'ensemble des 475 000 employés du secteur public en surplus de celle de 1% qui entrera en vigueur le 1er avril - un boni de 140 millions -, M. Picard ne croit pas qu'il faille pour autant «rouvrir les conventions collectives».

Le partage de la croissance

Le paiement de cette prime à la bonne performance économique, que La Presse a révélé hier, a été négocié dans le cadre de l'entente conclue entre Québec et ses employés en juin 2010. «La croissance économique, c'est bien, mais la partager seulement avec un petit groupe de fonctionnaires, c'est inéquitable. On reproduit le modèle des 30 dernières années, les syndicats profitent de la manne et l'ensemble des citoyens paie», lance-t-il. Selon M. Picard, «il faut respecter la signature du gouvernement, la parole donnée, mais aux prochaines négociations, ce serait différent».

Lundi, à Québec, François Legault a promis de rouvrir les conventions collectives conclues avec les enseignants et les ententes, toutes récentes, avec les médecins pour changer l'organisation du travail et permettre l'évaluation des professeurs. Les centrales syndicales sont vite montées au créneau pour précisément dénoncer ce manquement aux engagements signés par le gouvernement.

M. Picard ne voit pas de divergence entre son souhait de «respecter la parole donnée» et l'intention de son nouveau patron. Dans un cas, on parle de clauses pécuniaires, dans l'autre, d'organisation du travail, résume-t-il. Pour les médecins et les professeurs, «on va rouvrir les ententes, mais discuter aussi». «Je n'ai pas vu dans le discours de M. Legault qu'on irait par loi spéciale. On va s'asseoir, se parler entre quatre yeux et dire: on va changer ça!», résume-t-il.

Et s'ils refusent? «On verra!», rétorque, amusé, le député des Chutes-de-la-Chaudière. À la CAQ, Martin Koskinen, bras droit de M. Legault, précise qu'il n'a jamais été question de «rouvrir les conventions de l'ensemble du secteur public». Dans le cas des médecins et des enseignants, la renégociation est assortie de compensations, telles que des budgets augmentés en médecine familiale et des augmentations de salaire de 20% pour les enseignants, rappelle-t-il.

La «taxe santé»

Hier, dans le dossier de la «taxe santé», la CAQ a dû «corriger le tir», comme on l'a affirmé à l'interne.

Le député François Bonnardel a donné une entrevue à La Presse mercredi, peu de temps après la promesse-surprise de Pauline Marois d'abolir cette taxe tout en faisant payer davantage les riches. Il a confirmé que la CAQ maintiendrait cette contribution de 200$ par adulte si elle est élue. «Les Québécois sont prêts à participer à l'effort» pour retrouver l'équilibre budgétaire, «à condition que l'État fasse le ménage dans sa cour», a-t-il dit sans évoquer de modulation selon le salaire. Le gouvernement Charest n'a pas fait ce «ménage», mais la CAQ promet de le faire, a-t-il expliqué dans un texte paru hier.

Or, par voie de communiqué, la CAQ a modifié son discours en disant que, selon elle, «l'ensemble des Québécois doit assumer les coûts du système de santé en proportion de leurs revenus». Donc un gouvernement caquiste modulerait la contribution santé selon le revenu. «Les 950 millions seront encore là, mais modulés selon le revenu», précise M. Koskinen.

La taxe imposée par le gouvernement Charest depuis 2010 est «profondément inéquitable puisque tous les contribuables doivent verser la même somme», peu importe leurs moyens, affirme désormais M. Bonnardel. Il accuse Pauline Marois de proposer une solution «électoraliste» et «inéquitable» à une «contribution injuste». Les plus fortunés du Québec sont déjà les plus taxés en Amérique du Nord, soutient-il.

Les référendums aussi

Déjà, à la fin du mois de janvier, le chef de l'aile parlementaire, Gérard Deltell, avait pourfendu la proposition de référendum d'initiative populaire que venaient d'adopter les péquistes en conseil national. Ironiquement, en 2010, sous la direction de M. Deltell, l'Action démocratique du Québec avait opté pour une formule identique, précisant même qu'une consultation pouvait être lancée avec l'appui de seulement 3% de la population.

«Dans les États américains, ça existe et ça a démontré qu'en plusieurs circonstances, ça ankylose l'action gouvernementale et c'est une épée de Damoclès au-dessus de chacune des législatures», avait soutenu M. Deltell. Il avait ajouté: «On n'aura pas besoin de tenir un référendum puisqu'on aura reçu le mandat dûment appuyé par les citoyens.»

Le mois dernier, M. Deltell a lancé qu'avec sa formule de référendums d'initiative populaire, le Parti québécois (PQ) est «complètement déconnecté de la réalité des Québécois».

Le même élu a attaqué Bernard Drainville l'été dernier à ce sujet. Il a accusé le député péquiste de Marie-Victorin d'avoir plagié l'ADQ avec ses propositions pour améliorer la relation entre les citoyens et la classe politique, dont les référendums d'initiative populaire. «En allant sur le terrain écouter la population, il en est arrivé à des solutions adéquistes pour reconnecter le PQ avec les citoyens. Dans les faits, il met de l'avant des idées de l'Action démocratique du Québec», a soutenu M. Deltell dans une déclaration écrite. «On est contre un référendum d'initiative populaire sur l'avenir constitutionnel du Québec, M. Legault a été très clair là-dessus», précise cette fois M. Koskinen.