Dur lendemain de veille, hier, après les bousculades entre étudiants et policiers survenues au centre-ville de Montréal. Atteint à un oeil par l'éclat d'une «grenade de diversion» lancée par un policier, le cégépien Francis Grenier, 22 ans, a subi une opération à l'hôpital Maisonneuve-Rosemont. Et les manifestations d'hier se sont déroulées dans le calme.

Au lendemain des manifestations qui ont tourné à l'affrontement entre étudiants et policiers, le premier ministre Jean Charest a défendu le travail des forces de l'ordre et invité les grévistes à faire preuve de retenue.

M. Charest a affirmé que les manifestants n'ont pas collaboré comme ils l'auraient dû avec les forces de l'ordre. «Envahir un édifice, faire peur aux gens... Évidemment, ça a des conséquences», a réagi le premier ministre.

Mercredi, une manifestation étudiante organisée par la Coalition large de l'Association pour une solidarité syndicale étudiante (CLASSE) dans les rues de Montréal a tourné à la violence.

Une centaine d'étudiants ont occupé le hall de l'édifice abritant les bureaux de Loto-Québec et de la Conférence des recteurs et des principaux d'universités du Québec (CREPUQ).

Le groupe d'intervention du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) a été appelé pour les déloger. Les policiers ont d'abord tenté de disperser la foule de manifestants réunis dans la rue, devant l'édifice. Au cours de l'intervention, un étudiant a été grièvement blessé à un oeil par une grenade sonore lancée par les policiers.

Commentant les incidents, le premier ministre a invité les étudiants à s'asseoir avec les policiers afin de s'assurer que les manifestations se déroulent en toute sécurité.

Les manifestants devraient notamment fournir l'itinéraire du parcours qu'ils comptent emprunter, a-t-il souligné.

«Il faut que les leaders étudiants agissent de manière responsable», a déclaré M.Charest, ajoutant que «les policiers font leur travail aussi bien qu'ils le peuvent».

Ces commentaires ont soulevé la colère des organisations étudiantes, qui accusent le gouvernement de faire la sourde oreille. Elles lui reprochent de l'ignorer dans le débat entourant la hausse des droits de scolarité.

«Depuis le début, le gouvernement fait des tactiques de confrontation avec les étudiants», a déclaré la présidente de la Fédération étudiante universitaire du Québec (FEUQ), Martine Desjardins.

Elle faisait ainsi référence à la directive envoyée par Québec aux universités afin qu'elles rappellent aux professeurs qu'ils sont tenus de donner leurs cours malgré la grève étudiante.

Par contre, le gouvernement «ne prend pas ses responsabilités quand c'est le temps de rappeler à l'ordre les forces policières qui ont visiblement fait preuve d'excès. C'est clair que ça n'aide pas la situation», a ajouté Mme Desjardins.

Les étudiants se veulent pourtant pacifiques, assurent les leaders du mouvement de contestation.

«C'est inacceptable qu'on réprime ainsi la contestation, une contestation pacifique, avec une force policière aussi brutale», a dénoncé la porte-parole de la CLASSE, Jeanne Reynolds.

La chef de l'opposition, Pauline Marois, a elle aussi refusé de blâmer le travail des policiers, hier. Mais elle a reproché au gouvernement d'être fermé à tout dialogue avec les étudiants.

«Il ne doit pas y avoir de dérapages ni d'un côté ni de l'autre. Et le gouvernement doit prendre cette situation au sérieux», a déclaré Mme Marois.

Ignorer les revendications des étudiants n'améliore en rien le climat, a conclu la critique en matière d'enseignement supérieur, la députée Marie Malavoy. «Quand on leur dit [aux étudiants] depuis des semaines qu'on ne veut ni les entendre, ni les écouter, ni bouger sur quoi que ce soit, c'est certain que ça n'appelle pas au calme.»

Le SPVM se défend

De son côté, le Service de police de la Ville de Montréal a dû défendre son intervention, hier. Les forces de l'ordre ont suivi la procédure normale lors de manifestations, a expliqué le lieutenant-chef Alain Bourdages.

Les manifestants ne sont pas obligés de remettre leur itinéraire aux policiers. Mais la majorité le font pour une question de sécurité, a-t-il dit, soulignant qu'autrement, les manifestants se promènent au milieu des automobilistes.

Par contre, l'occupation illégale d'un édifice est un acte criminel. «Dès lors, la manifestation devient illégale», a indiqué M. Bourdages.

Les policiers de quartier, qui sont sur le terrain, interviennent en premier. Si la foule ne collabore pas, le groupe d'intervention est appelé en renfort. Des avertissements invitent les manifestants à se disperser. Si ce n'est pas le cas, les policiers interviennent.

Mercredi, ils ont employé des grenades sonores, utilisées au SPVM depuis 2008. Ces grenades doivent être lancées au-dessus de la tête des manifestants.

«Le but n'est jamais de blesser ou de lancer directement une grenade sur les manifestants. Nos policiers sont entraînés et formés pour les utiliser», explique M.Bourdages, précisant qu'une enquête est en cours.

- Avec la collaboration d'Émilie Bilodeau