Un contribuable qui veut obtenir un service public doit accepter de payer de sa poche une partie de la facture, selon le ministre des Finances, Raymond Bachand.

Lors d'une entrevue à La Presse Canadienne, qui aura duré près d'une heure et demie dans ses somptueux bureaux de la rue Saint-Louis, dans le Vieux-Québec, le ministre s'est livré à un plaidoyer en faveur de la «juste part» payée par les contribuables, quelques jours avant la présentation de son budget, le 20 mars.

Ce troisième budget du ministre Bachand prend une couleur particulière, car il pourrait bien être celui avec lequel le gouvernement sollicitera un quatrième mandat.

À ses yeux, une société en santé est celle qui dit: «Je veux des services, mais je ne peux pas toujours demander aux autres de payer pour», commente le ministre, qui se dit partisan d'une «révolution culturelle» en la matière.

La formule «Que chacun paye sa juste part» des services publics semble donc en voie de devenir le mantra du gouvernement Charest, et pas seulement pour les droits de scolarité.

Au contraire, ce principe «devrait s'appliquer partout, sauf dans la santé de base, parce que la santé on a décidé comme société que c'était gratuit», a précisé le ministre.

Il faut donc que «chaque citoyen, quand il demande quelque chose à l'État, il se demande c'est quoi la juste part, comme moi je dois faire», ajoute M. Bachand, qui éprouvera un sentiment de fierté le jour où cette «révolution culturelle» deviendra réalité, car elle se fera au profit des générations futures.

C'est bien sûr l'État qui doit se réserver le droit de définir ce qu'est la «juste part».

Déjà, le gouvernement a alourdi le fardeau des contribuables en leur imposant diverses hausses au fil des ans: TVQ, taxe sur l'essence, tarifs et cotisation santé annuelle de 200 $, notamment. Le ministre réplique qu'il a en contrepartie baissé les impôts.

Quoi qu'il en soit, avec le vieillissement de la population, la facture des programmes sociaux et de la santé ne cesse de grimper et Québec cherche par tous les moyens à diminuer ses dépenses et augmenter ses revenus pour maintenir le niveau de services.

Déficit zéro

La situation budgétaire du gouvernement demeure très fragile, au point où on a dû songer à repousser l'échéance du retour à l'équilibre budgétaire, prévu en 2013-2014, pour soutenir davantage l'économie et faire entrer plus d'argent dans les coffres.

«La question s'est posée», convient le ministre, car la mission première du gouvernement est de soutenir l'économie et l'emploi, quand le taux de chômage se maintient au-dessus de 8 pour cent. Cet automne, le gouvernement a plutôt choisi de s'en tenir à son plan de match, tout en reportant d'un an (en 2014-2015 au lieu de 2013-2014) un montant d'un milliard $ de mesures.

Québec garde donc le cap sur le déficit zéro en 2013-2014, mais dans ce contexte mondial d'incertitude économique, atteindra-t-il son objectif? La probabilité «est très forte», croit le ministre, prudent, sachant qu'il a dans sa manche une provision de 400 millions $ pour d'éventuels coups durs. Il ne prévoit pas en avoir besoin cette année.

M. Bachand se fait rassurant, en prédisant qu'en 2015 le Québec affichera un surplus budgétaire de 2 milliards $, somme qui servira à rembourser la dette, véritable boulet des finances publiques. Le Québec affiche la dette brute la plus élevée de toutes les provinces canadiennes, dépassant les 173 milliards $, soit 55 pour cent du produit intérieur brut (PIB).

Plan Nord

Pour financer ses programmes sociaux, Québec misera plus que jamais dans son budget sur la création de richesse.

Aussi, avec en fond de scène l'objectif d'assurer le succès du Plan Nord, le budget du 20 mars mettra l'accent sur l'exploitation des ressources naturelles, par diverses mesures «très ciblées et structurantes» destinées à certains secteurs d'activité porteurs, en vue de leur «donner un élan».

Le temps est venu, selon le ministre Bachand, de montrer à la population que le Plan Nord n'est pas un rêve, mais «que c'est vrai le Plan Nord, que ça se passe en réalité, et que ça va bien».

L'an dernier, le cadre financier du Plan Nord avait été fixé à hauteur de 1,6 milliard $ pour cinq ans, grâce à divers investissements en infrastructures, dont des routes d'accès.

«Toutes les ressources naturelles vont occuper une place importante dans le budget», confirme-t-il, avec la mise à jour du cadre financier présenté l'an passé. Le niveau de participation de l'État dans les minières, évalué l'an passé à 500 millions $ sur cinq ans, pourrait bien être revu à la hausse dans le budget.

Après avoir fixé le niveau de redevances des minières et celui prévu pour l'industrie du gaz de schiste, Québec fixera ses attentes dans le secteur de l'exploration pétrolière en matière de retombées et de redevances.

Toujours en vue de stimuler l'économie, Québec va créer un nouveau fonds de capital de risque dans un «sous-secteur» d'activité qu'il n'a pas voulu nommer. «On a identifié un maillon faible qui pourrait être renforcé», selon le ministre.

Tout doit être mis en oeuvre pour que le Québec demeure concurrentiel à l'échelle planétaire, dit-il, car «ce n'est pas en dormant au gaz qu'on va prendre notre place».

Soins à domicile

Sur le plan social, les personnes âgées formeront la clientèle cible du budget Bachand 2012. Québec fera un effort particulier pour leur permettre de demeurer dans leur maison le plus longtemps possible, et ainsi soulager d'autant le réseau de la santé et des CHSLD. «Ça coûte moins cher aussi» au trésor public, affirme le ministre.

Québec mettra donc à contribution les organismes d'économie sociale prodiguant des soins à domicile aux personnes âgées, qui joueront «un rôle majeur» en vue de reporter l'échéance du grand départ vers le CHSLD. Leur rôle sera «augmenté de façon importante».

Il faut s'attendre aussi à voir les crédits d'impôt aux aidants naturels des personnes âgées bonifiés.

Les Québécois doivent aussi mieux se préparer à la retraite. M. Bachand mettra de la chair autour du projet de création d'un régime volontaire d'épargne retraite, annoncé l'an dernier, en présentant un cadre financier et «toute l'architecture» du projet destiné à ceux qui n'ont pas de régime complémentaire à la pension versée par l'État. Les employés y seront inscrits automatiquement, mais auront le droit de s'en retirer.